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arrière-petite-fille, de l’enlumineur de Philippe le Bel, Honoré.

Ce sont en réalité les derniers Capétiens directs qui élèvent le peintre-sellier jusqu’à eux et paient des gages à certains. Mais on se tromperait si l’on croyait ces artisans en possession d’une charge, comme nous les verrons plus tard devenir valets de chambre du Roi. Ceux de la fondation, si je puis dire, sont tout bonnement des gens plus habiles, à qui les rois ou les reines confient leurs travaux de peinture. Ils conservent leur atelier en ville, à la façon de ces horlogers d’à présent, chargés de régler les pendules d’un palais. Et ils sont propres à toutes les besognes, depuis la mise en couleur d’un lambris, la décoration d’une chambre, le carton d’une tapisserie, ou la peinture d’une effigie royale. Mais ils restent surtout, et avant tout, des peintres-selliers, c’est-à-dire qu’ils ornent les chaires, les « faudesteuils » ou fauteuils de parade, même ceux d’une nature spéciale dont Louis XIV n’aura pas perdu l’usage. Tous ceux dont nous avons retrouvé les noms dans les archives sont des Parisiens purs ; ils sont de Montmartre ou d’Auteuil, c’est-à-dire de la banlieue. Ils ont des gages modestes qui les lient ; mais on leur paie à part les travaux extraordinaires. On leur voit recevoir 40 ou 60 livres, c’est-à-dire plus de 3 à 4 000 francs d’à présent pour avoir historié les murailles d’une salle. Parfois, ils sont retenus comme directeurs des travaux ; ils fournissent alors des modèles, des patrons réduits, sur une feuille de parchemin, et les remettent au praticien chargé de les grandir et de les passer à la couleur. Nous avons de nombreux exemples de collaborations de ce genre ; on ne les a point remarquées, bien qu’elles soient d’une importance considérable. Elles expliquent comment un homme de génie, — Giotto par exemple, — a pu fournir en moins de trente ans à lui seul un labeur de plusieurs personnes, dans cinquante villes diverses, parfois distantes de deux cents lieues. Sans aucun doute, il faisait comme Evrard d’Orléans chez Mahaut d’Artois, ou Girart d’Orléans chez le roi Jean : il exécutait des cartons que d’autres grandissaient contre les murailles. Nous avons trouvé à ce sujet des preuves irrécusables qui nous font comprendre ce que les légendes giottesques avaient de fabuleux jusqu’ici.

Nous suivons ainsi, pas à pas, les progrès moraux et matériels de nos vieux Parisiens. Ce Girart d’Orléans, dont la critique faisait volontiers une sorte de majordome du roi Jean,