Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

églises toutes les œuvres, médiocres ou pires, que l’absence de sanction permet de produire et de vendre. » Comme de juste, ils s’attachent surtout à éviter le guet ; ils veulent pouvoir travailler de nuit, s’il le faut, et prendre autant de valets qu’ils en peuvent nourrir. Ils réclament un stage en qualité d’ouvrier avant de passer maître, et proscrivent les produits allemands, sauf le visa des gardes du métier. Ainsi les maîtres sont devenus des officiers royaux, sous la dépendance du Prévôt de Paris, et la soumission au Roi est complète. C’est en 1391 que l’art français devient officiel, qu’il se hiérarchise, et que les mesures de protection se précisent. La confrérie de Saint-Luc est continuée, et les amendes, infligées par les gardes du métier, devaient servir par moitié au Roi, par moitié aux offices de la Confrérie.

Ces gardes du métier n’étaient cependant point des fonctionnaires dans le sens ordinaire du mot ; ils étaient élus « par la plus grande et saine partie du métier, » c’est-à-dire que le suffrage restreint se débarrassait des têtes brûlées et des meneurs. Leur autorité et leur surveillance s’exerçait de jour et de nuit, à Paris et dans la banlieue. Les objets, saisis par eux, étaient apportés au Prévôt, qui donnait à la répression la suite convenable. Le 12 août 1391, on reçut Jean d’Orléans et ses trente confrères en audience solennelle ; on leur fit prêter serment que ces articles étaient « profitables au bien du métier, » et ils furent insérés au Livre Vert de la Prévôté de Paris.

Il y avait juste cent cinquante ans que les premiers statuts des peintres-selliers avaient été rédigés par Etienne Boileau. Avec ceux de Jean d’Orléans, nous entrons dans la seconde période gothique, celle qui nous vaudra Fouquet, le Maître de Moulins et les illustres Avignonnais. Les règlemens des peintres parisiens de 1391 serviront, à peu de chose près, de modèle à tous les autres, ceux de Tours, de Bourges, d’Avignon ou de Lyon, d’Amiens même.


III

Les invasions anglaises du XVe siècle portèrent aux peintres parisiens un coup mortel. Tandis que les Valois attiraient à eux, dans le Nord, plusieurs artistes, et créaient des centres à Bruges, à Tournai, à Gand, développaient les ghildes, les Parisiens de la génération de 1410 à 1420 subissaient des