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une des premières incendiée, et par une fuite précipitée sa famille n’échappe aux flammes que difficilement. La populace s’en prend ensuite à la demeure du ministre de la Guerre, mais trouve à qui parler en la personne des fantassins japonais. Les favoris des ministres, affolés, se réfugient dans les casernes, les hôtels, les clubs étrangers. Le ministre du Commerce Song-Phong-Chan, les yeux hagards, descend les rues qui mènent au commissariat de police japonais. À tout instant, retentissent des coups de fusil provenant de personnes embusquées dans les maisons. Pris pour des Japonais, quelque étrangers sont tués. Le fils du chancelier du consulat allemand, jeune homme de dix-neuf ans à peine, traversant la grande place, est ainsi frappé d’une balle en pleine poitrine. Partout ce ne sont que gémissemens et plaintes. Le sang coule abondamment de tous côtés.

Cependant, l’armée japonaise occupe les points stratégiques. Le détachement le plus important enveloppe le palais ; la prison de la Grande Cloche, la Résidence, les gares, les barrières reçoivent aussi leur contingent. Les escarmouches se succèdent à bref intervalle. Dans l’après-midi, devant le palais, la cavalerie japonaise charge la garde coréenne. Les feux de salve jonchent la place de cadavres. La police tire sur la foule dont la rue principale déborde. Les troupes appelées en hâte des garnisons voisines, arrivant à tout instant, prennent d’assaut les casernes et les magasins de munitions coréens. La non-existence des troupes coréennes rend la victoire facile au général Hasegawa, qui commande en chef. Et pourtant, la soi-disant garde impériale, le seul corps militaire que possède encore l’Empereur, n’a pas failli au devoir. Apprenant la nouvelle de l’abdication et de l’exil impérial, ils ont sauté sur leurs sabres et couru au palais.

Là, l’ordre du licenciement de la garde leur a été communiqué en même temps que l’acte d’abdication. Le commandant du dernier régiment coréen, le colonel Pack, homme d’une loyauté à toute épreuve, obéissant à la dernière volonté de son maître, ramène ses hommes dans leurs quartiers et demeure au milieu d’eux. Mais, lorsque les troupes nippones se présentent, il vient d’expirer. Rangés autour de son cadavre, les soldats luttent désespérément et tiennent en échec, dans leurs misérables casernes, des forces supérieures de Japonais ; la cause perdue de l’Empereur a décuplé leur énergie.

Malgré tout le désordre gouvernemental des dernières années,