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Chong, qui mourut après avoir occupé le trône durant quatorze ans, ne laissant qu’une fille. Aussi, après de longues intrigues, le fils cadet du célèbre Taï-Wen-Kun, adopté par la veuve encore survivante d’Ing-Chong, agissant au nom de son mari défunt, accéda-t-il en 1869 au trône coréen.

Les forfaits du « Maître de la grande cour, » le despote cruel, responsable du sang de martyrs innombrables, sont déjà connus. Notons qu’avant de mourir il exprima son profond regret de l’injustice faite aux chrétiens. Son fils, par son libéralisme inouï en Corée, sa tolérance vis-à-vis des différentes confessions religieuses, s’attacha à supprimer tous les souvenirs du règne sanglant. Il avait reçu l’éducation énergique des enfans du clan impérial, avait pu déborder, durant sa jeunesse, l’étroit horizon de la vie royale. Du reste, sa famille étant loin d’être riche, bien des luxes lui restèrent longtemps inconnus. Ne pouvant payer le relieur dont il tenait ses livres, raconte-t-on, il le consolait ainsi : « Ne crains rien, grâce à ce que tes bouquins m’ont appris, je serai un jour en mesure de solder ma dette. » Le fait témoigne à la fois de sa pauvreté et de ses espérances.

Le jeune homme fut nourri des classiques chinois. Sous des maîtres appelés, pour leur renommée, de toutes les provinces, il se révéla docile, studieux, et il commandait une affection durable. Par la suite, ses professeurs, ses camarades d’étude et de jeu lui restèrent fermement attachés. Quelque temps après son avènement, il releva en chignon la longue natte brune de ses cheveux pour y implanter, en signe de virilité, le fameux cylindre de crins noirs. En 1866, il épousa une jeune fille issue du clan puissant de Min dont le père, décédé, reçut pour l’occasion le titre posthume de « Yeo Sung Bu von Kun » (prince de la ville de Yugu, beau-père de l’Empereur). Ce personnage, réduit par les événemens à mener dans une ville de province un train de vie fort modeste, ne pouvait avoir transmis à sa fille unique des idées de domination. Le Taï-Wen-Kun, dont la femme appartenait également à une famille Min (elle était tante à la mode de Bretagne de la jeune fiancée), espérait, grâce à ce mariage, s’assurer un empire absolu sur un fils naturellement soumis. Mais intelligente, volontaire, faisant autorité en matière de littérature classique, l’impératrice exerça sur son mari un ascendant considérable dont elle profita pour faire écarter de plus en plus son beau-père des affaires publiques : de là les conspirations