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Il y a, en dehors de l’Etat, un grand nombre d’organisations privées, et d’ailleurs légales, qu’il n’a pas à reconnaître, et auxquelles il reste étranger, mais qu’il connaît fort bien et qu’il traite comme des êtres vivans. Il y en aura sans doute beaucoup plus dans l’avenir que dans le passé, grâce à la récente loi sur la liberté d’association. Rien ne s’oppose donc à ce que les communes fassent dire des messes, si elles deviennent héritières de biens affectés d’une charge ecclésiastique. Elles agissent alors en tant que détentrices d’un legs ou d’un don grève d’une charge, et non pas en tant que communes. A supposer qu’elles se fassent, malgré cela, scrupule de faire dire des messes, et il est bien possible que M. Homais éprouve ce sentiment, rien de plus simple : elles n’ont qu’à rendre l’argent à l’héritier naturel qui poursuit la révocation de la donation ou du legs, en alléguant que la condition n’en est pas remplie. Pour peu qu’il soit un honnête homme, l’héritier naturel fera dire lui-même les messes. Il s’agit là, on le voit, d’une contestation de l’ordre privé, dont il convenait d’abandonner la compétence aux tribunaux. Mais M. le ministre des Cultes n’a pas cessé de répéter : Pourquoi les catholiques n’ont-ils pas fait des associations cultuelles ? Nous regrettons qu’ils se soient trouvés dans l’obligation de n’en point faire ; évidemment, ils ne pouvaient pas se soustraire à cette obligation qui, à tort ou à raison, leur était imposée par la plus haute autorité qu’ils reconnaissent ; ils auraient cessé d’être catholiques s’ils ne s’étaient pas inclinés devant l’ordre de s’abstenir qu’ils avaient reçu. Mais quel rapport y a-t-il entre cette question et celle que la loi nouvelle soumettait à la Chambre ? Aucun ! Les orateurs de l’opposition n’ont pas cessé de le répéter, et quelques-uns, comme M. Piou et M. Paul Beauregard, y ont mis une grande éloquence. Rien n’y a fait : la loi de spoliation a été votée.

On a cru un moment que la majorité, fortement impressionnée par un discours de M. Lhopiteau, allait accepter un amendement de ce député, qui est radical, qui vote habituellement avec le gouvernement, qui ne saurait être taxé de cléricalisme, mais qui croyait néanmoins que rien ne s’opposait à ce que les communes, ou les organisations charitables qui les représentent, versassent l’argent des messes entre les mains des prêtres catholiques. M. Lhopiteau avait raison, et, comme il est juriste, il avait raison dans ce langage du droit qui fait habituellement grand effet sur les assemblées. Si son amendement avait été accepté, tout aurait été sauvé. La volonté des morts aurait été respectée. Mais M. Briand a repris son refrain : —