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des notes et des éclaircissemens sur toutes les grandes questions du jour, par le moyen desquels il s’efforçait d’aider à l’œuvre pacificatrice. « J’ai peu de crédit, lit-on dans une de ses lettres, écrite à cette époque, car je ne suis d’aucun parti. Je combats les passions des autres, et les miennes, et je dis la vérité à tout risque. » Quand les circonstances l’exigèrent, il sut payer de sa personne. Le 1er prairial an III, dans cette journée fameuse où la salle de la Convention fut envahie par une horde de scélérats, portant au bout d’une pique la tête du malheureux Féraud, Ségur, prévenu l’un des premiers, mit l’épée à la main, groupa quelques hommes résolus, pénétra à leur tête dans l’Assemblée terrorisée, et contribua ainsi, non seulement à sauver les jours de son ami Boissy d’Anglas, mais à assurer la victoire de la légalité sur l’anarchie sanglante.

Cette attitude publique, sa notoriété grandissante, et son refus formel, en dépit de flatteuses invites, de donner son concours aux chefs du Directoire, le désignèrent, le 18 fructidor, à ceux qui prétendirent alors ressusciter le régime révolutionnaire. Averti du danger, il chercha un asile, aux portes de Paris, chez un ami dévoué, qui le cacha pendant les premiers jours de cette nouvelle Terreur. Ce fut là qu’il apprit sa proscription et celle de la plupart de ses amis. S’il échappa aux horreurs de l’exil, ce fut, cette fois encore, dit un de ses biographes, « grâce à une de ces amitiés affectueuses qu’il sut inspirer jusqu’à son dernier jour aux hommes et aux femmes des partis les plus opposés. » Son nom fut rayé de la liste. Il reprit son train laborieux, persévérant à demander aux lettres à la fois les consolations et les ressources de la vie. Il atteignit ainsi l’ère réparatrice de Brumaire. Nul ne salua d’un cœur plus chaud, d’un enthousiasme plus sincère, l’aurore de l’astre éblouissant qui, soudainement émergé des ténèbres, d’un bout à l’autre du pays allumait une flamme d’espérance. Aussi accepta-t-il les offres du Premier Consul avec autant d’empressement résolu qu’il en avait montré naguère pour décliner celles de Barras.


On sait, — et mon confrère Albert Vandal, dans sa célèbre histoire de l’Avènement de Bonaparte, l’a mis récemment en lumière avec une autorité magistrale, — de quel prix singulier fut de tous temps, aux yeux de Napoléon, le concours de ceux dont les noms se rattachaient à l’ancienne France. L’adhésion sans réserve d’un