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Mikado. Aussi aimable pour les journalistes américains que pour leurs confrères japonais, il accorda au New-York Herald une interview qui fit du bruit. Il y disait qu’il était criminel de parler d’une guerre entre les États-Unis et le Japon, et qu’au surplus, il traiterait à fond la question dans l’un des banquets auxquels il devait assister.

Le 1er octobre, le télégraphe répandait par le monde la parole de M. Taft : « Il n’y a eu, avait-il dit, qu’un petit nuage sur notre amitié de cinquante ans. Mais le plus grand tremblement de terre du siècle lui-même ne pourrait ébranler cette amitié… Les événemens de San Francisco peuvent recevoir et recevront de la diplomatie une solution honorable. Une guerre entre les États-Unis et le Japon serait un attentat contre la civilisation. Aucun des deux peuples ne la désire. Les deux gouvernemens feront l’impossible pour l’empêcher. » Il avait flétri, dans sa conclusion, les menées belliqueuses de certains journaux et renouvelé à ses auditeurs l’assurance de la vive amitié que le Japon inspire aux Américains. Après ce discours retentissant, s’engagèrent de nouvelles causeries avec le ministre des Affaires étrangères. À dire vrai, on ne sait guère à quoi elles aboutirent ; il est seulement indiscutable qu’il y fut question de l’immigration et de la naturalisation des Japonais aux États-Unis, peut-être de l’éventualité d’un traité sur cette matière. Puis ce fut le Mikado qui, de nouveau, reçut M. Taft et le convia, ainsi que Mme Taft, à déjeuner. Ce déjeuner, particulièrement solennel, fut suivi d’une dernière entrevue avec le comte Hayashi. Le soir même, le marquis Katsoura, dans une déclaration publique, répondit aux politesses de M. Taft : « Rien n’est plus absurde, disait-il, que de parler de guerre entre les États-Unis et le Japon. Rien, j’en suis persuadé, ne peut ébranler les relations historiques des deux nations. Par son discours, M. Taft a scellé d’une manière indélébile les liens de cordiale amitié et de parfaite entente qui existent entre elles. » C’était, si l’on ose ainsi dire, le voyage Lamourette.

Par une curieuse répercussion, M. Roosevelt, au même moment, était vivement pris à partie par une fraction de la presse américaine qui lui reprochait de « provoquer le Japon, » d’armer les Philippines, de faire travailler nuit et jour les chantiers, de jouer avec le feu en envoyant l’escadre dans le Pacifique. Le Président, quand on l’attaque, a l’habitude de faire front. Il n’y