Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/360

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

manqua pas, et coup sur coup, prononça deux discours, le premier à Saint-Louis, — sous une pluie battante, — le second à Cairo, dans l'Illinois. Dans l’un comme dans l’autre, il expliqua pourquoi le déplacement de la flotte avait été décidé et il l’expliqua lumineusement. Il montra comment au développement de leur marine étaient liés pour les États-Unis le maintien de leur rang de grande puissance, l’intégrité de la doctrine de Monroe, l’avenir du canal de Panama. Et il ajouta : « Dans quelques mois notre flotte de gros navires cuirassés partira pour le Pacifique, la Californie, l’Orégon et le Washington ont une ligne de côtes qui est nôtre au même titre que celle des États de New-York et du Maine, de la Louisiane et du Texas. Notre flotte va se rendre dans nos eaux territoriales du Pacifique et, après y avoir séjourné quelque temps, retournera dans nos eaux territoriales de l’Atlantique. La meilleure place où un officier de marine puisse apprendre son métier, c’est la mer... »

A Cairo, le Président alla plus loin et provoqua même, par son ton, quelque inquiétude : « Nous avons, dit-il, sur deux océans des côtes très étendues. Pour repousser toute attaque qui serait dirigée contre ces côtes, les fortifications, non la marine, devraient être employées. Mais le meilleur moyen, c’est de parer l’attaque en frappant soi-même. Aucun combat ne fut jamais gagné sans frapper et nous ne pouvons frapper qu’avec notre marine. C’est en temps de paix que nous devons construire des vaisseaux et entraîner nos équipages. Une fois que la guerre a éclaté, il est trop tard pour rien faire. » De là à conclure que l’orateur était partisan d’une politique offensive contre le Japon, il n’y avait qu’un pas, — surtout pour ses adversaires. Ils ne manquèrent point de le franchir, mais ils trouvèrent peu d’écho. A la veille de prendre son commandement, l’amiral Evans, fêté dans un banquet d’adieux par le Lotos Club, répéta ses déclarations pacifiques. M. Root les confirmait, le 28 octobre, de la façon la plus nette. Le 5 novembre, les croiseurs Washington et Tennessee, avant-garde de l’escadre, arrivaient à Rio-de-Janeiro et informaient le gouvernement brésilien que le gros de la flotte passerait dans ce port vers le 10 janvier. Le 16 décembre, la flotte entière appareillait après avoir été passée en revue par le Président. Quelques jours avant, le comte Hayashi, dans une interview malheureusement trop brièvement résumée par le télégraphe, disait que la question de l’immigration était