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Et tandis que la mort déjà sur nous descend,
Les suaves matins des îles Borromées !...



Ah ! dans les bleus étés, quand les vagues entre eues
Ont le charmant frisson du cou des tourterelles,
Quand l’Isola Bella, comme une verte tour,
Semble Vénus nouant les myrtes et l’Amour,
Quand le rêve, entraîné au bercement de l’onde.
Semble glisser, couler vers le plaisir du monde.
Quand le soir étendu sur ces miroirs gisans
Est une joue ardente où s’exalte le sang,
J’ai cherché en quel lieu le désir se repose...
— Douces îles, pâmant sur des miroirs d’eau rose,
Vous déchirez le cœur que l’extase engourdit.
— Pourquoi suis-je enfermée en un tel paradis !



Ah ! que lassée enfin de toute jouissance,
Dans ces jardins meurtris, dans ces tombeaux d’essence,
Je m’endorme, momie aux membres épuisés !
Que cet embaumement soit un dernier baiser,
— Tandis que, sous le noir bambou qui vous abrite,
Sous les cèdres, pesant comme un ciel sombre et bas,
Blancs oiseaux de sérail que le parfum abat,
Vous gémirez d’amour, colombes d’Aphrodite !



O soirs italiens, terrasses parfumées,
Jardins de mosaïque où traînent des paons blancs,
Colombes au col noir, toujours toutes pâmées.
Espaliers de citrons qu’oppresse un vent trop lent.
Iles qui sur Vénus semblent s’être fermées,
Où l’air est affligeant comme un mortel soupir,
Ah ! pourquoi donnez-vous, douceurs inanimées,
Le sens de l’éternel au corps qui doit mourir 1