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l’entremise de Ketteler, évêque de Mayence, qu’une entente s’élabora, brusquement, entre le prince-régent et Vicari.

Trois jours durant, les 12 et 13 janvier 1854, Ketteler négocia avec le prince-régent et les ministres Rüdt et Wechmar. Il demanda tout d’abord que les catholiques de Bade jouissent des mêmes libertés qu’accordait à leurs coreligionnaires rhénans la constitution prussienne : ce fut en vain. Mais les interlocuteurs furent à peu près d’accord pour convenir que l’étrange institution d’un commissaire spécial chargé de mettre l’archevêque en tutelle serait abolie, que l’archevêque aurait le droit de s’adresser directement au ministère au lieu de conférer avec le conseil supérieur d’Église, que les prêtres par lui nommés resteraient provisoirement en fonctions, et qu’il ne pourvoirait aucune autre cure avant qu’une entente fût conclue entre le gouvernement et le Saint-Siège. Un catholique, Leiningen, était dès lors désigné pour aller causer avec Rome. C’est par une conversation avec Rome, seulement, que tout pouvait se régler, Manteuffel, premier ministre en Prusse, avait récemment transmis aux divers États du Sud le récit d’un entretien qu’avait eu le chargé d’affaires de Prusse avec le cardinal Antonelli. « On trouverait moyen de s’arranger, avait dit le cardinal, il faut que les États saisissent le Saint-Siège avant que le conflit soit irréparable. » Bade se préparait à répondre aux suggestions du cardinal, et l’on pouvait croire que, provisoirement, entre Carlsruhe et Fribourg, une trêve solide allait se conclure, lorsque intervint à la traverse un personnage imprévu. Ce personnage, dont les premiers efforts diplomatiques étaient dirigés contre l’Église, s’appelait Otto de Bismarck.

Simple représentant du roi de Prusse à la diète de Francfort, Bismarck fit un acte étrange de politique personnelle : il s’en fut à Carlsruhe pour contrecarrer cette politique d’apaisement que la lettre de Manteuffel, son chef hiérarchique, avait paru conseiller au gouvernement badois. Il plaida la solidarité des gouvernemens protestans, insinua que Bade pouvait compter sur la Prusse, représenta d’autre part à Manteuffel que Vicari et les catholiques ne faisaient que travailler pour l’Autriche ; et peu de jours suffirent pour que Manteuffel à Berlin, et le prince-régent à Carlsruhe, fussent beaucoup moins enclins au l’établissement de la paix religieuse dans le grand-duché. Bismarck se heurtait à certains faits acquis : les premiers pourparlers avec Ketteler,