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concessions créerait des occasions nouvelles de conflit ; alors l’Etat, pour en finir, doit, si l’on ose ainsi dire, émigrer du domaine troublé qu’il a le devoir de pacifier ; ses regards, ses propositions, son action, doivent franchir les frontières ; la parole n’est plus à ses préfets, mais à ses diplomates ; au-delà et au-dessus de l’établissement religieux avec lequel les frottemens quotidiens rendent l’entente illusoire, l’État doit gravir, si pénible soit-elle, la route qui mène au Vatican. Au cours de l’année 1854, les États de la province ecclésiastique du Haut-Rhin expédièrent quelques courriers sur cette route nouvelle pour eux, route qu’on voit foulée, de siècle en siècle, par les pouvoirs mêmes qui avaient le plus solennellement résolu de ne jamais s’y engager.


IV

Le premier courrier qui survint fut le baron de Hummel, envoyé du roi de Wurtemberg. Une convention s’était élaborée, dans le silence, entre le cabinet de Stuttgart et deux prêtres délégués par l’évêque de Rottenburg ; on venait demander pour cette convention l’approbation de Rome.

Antonelli, tout en déclarant, paraît-il, que, sur certains points, l’État faisait plus de sacrifices qu’il n’était même nécessaire, refusa la signature du Saint-Siège ; on ne voulait pas, à Rome, que les États de la province du Haut-Rhin, alléchant ou endormant l’opinion catholique par certaines concessions de détail, se dérobassent ainsi à la nécessité de traiter les questions mêmes de principe. Depuis trente-cinq ans, ces États s’obstinaient, tous ensemble, à nier l’autonomie de l’établissement religieux : c’est à cet égard que Rome exigeait d’eux une résipiscence expresse. Elle ne voulait pas qu’on fit à l’Église, en certaines circonstances, la grâce d’être libre ; elle voulait que les bureaucraties, comme l’avait fait le Parlement de Francfort, reconnussent le droit de l’Église à la liberté.

En mars, Leiningen arriva, porteur des commissions du prince-régent de Bade, mais dépourvu d’ailleurs de pleins pouvoirs : il proposait de régler quelques détails du conflit, et rien de plus ; il fut rejoint, au cours de l’été, par le protestant Brunner, que le prince-régent accréditait comme plénipotentiaire : une trêve provisoire se concerta entre Antonelli et Brunner,