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qu’il en est chez nous. Les apports d’outre-monts ont déjà souvent troublé notre paix, rompu notre unité, mais jamais enrichi la foi, jamais fortifié la conscience chrétienne. » Le prélat Sigel, à son tour, dénonçait le « parti des jésuites, » et lui signifiait que jamais le Wurtemberg et le peuple allemand ne reviendraient à l’obédience de Rome.

Mais un autre prélat protestant, Moser, affectait, en Wurtemberg, d’alléguer contre le concordat les intérêts mêmes des catholiques wurtembergeois. Le pacte signé par le roi Guillaume avec Rome lui paraissait enchaîner leur liberté ; il n’admettait pas qu’entre les consciences catholiques et le Saint-Siège l’Etat se chargeât de tresser un lien. « On devrait, expliquait-il, laisser à l’Église catholique toute sa liberté de développement intérieur, et si, soit par des recherches scientifiques, soit par l’effet d’autres circonstances, elle était amenée, intérieurement, à se détacher plus ou moins de Rome, il ne faut pas qu’aucune convention d’Etat fasse obstacle à cette évolution. » Moser, apparemment, s’intéressait beaucoup aux catholiques, mais à ceux-là, surtout, qui voudraient cesser de l’être.

C’était un torrent de dialectique passionnée, un feu roulant d’argumens imprévus ; mais si l’on allait au fond de ces polémiques, on trouvait moins des objections que l’expression incessante d’une crainte, la crainte que l’Église n’abusât de sa liberté. On dénonçait, surtout, les excès possibles du régime concorda- taire. A quoi le ministre badois Stengel répliquait énergiquement : « La peur des abus que peut amener la liberté est la mère de la tyrannie. » Mais alors, en présence de pareilles ripostes, on s’élevait au-dessus des détails du concordat, on ne l’attaquait même plus dans sa substance : on s’en prenait à la méthode d’après laquelle il était négocié et conclu, on déclarait la guerre à l’idée même de concordat. En Nassau, en Hesse, l’Etat, par l’intermédiaire de ses hauts fonctionnaires, avait négocié avec un sujet, qui là s’appelait Blum, ici Ketteler ; en Wurtemberg, en Bade, l’Etat, par l’intermédiaire de ses diplomates, avait négocié avec un étranger. Pie IX. Des engagemens avaient été pris, en dehors des Chambres, au-dessus des Chambres ; n’était-ce pas une atteinte à la souveraineté nationale ? Les ministères, sans doute, avaient été les premiers à observer que la mise en vigueur de certaines stipulations du Concordat rendrait nécessaire le remaniement de certaines lois ; et ils se proposaient, en toute