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dans la majorité qui soutenait Jolly ; les principaux chefs libéraux, Bluntschli, Lamey, Kiefer, complotaient contre ce bureaucrate parvenu qui prétendait à leur docilité passive ; le vieux patriotisme badois, par surcroît, était offusqué de voir le portefeuille de la Guerre entre les mains d’un Prussien ; le ministère était en danger. Jolly parla du péril clérical, et le bloc libéral se reconstitua, fidèle, derrière un ministère que les prêtres redoutaient. Sur les lèvres de Jolly, l’argument était mieux qu’un artifice, il énonçait une conviction. Systématiquement, Jolly identifiait nationalisme et anticléricalisme : « Pour un gouvernement national, écrivait-il un jour, il ne peut y avoir d’autre base qu’un anticléricalisme tranchant. » Aussi Ketteler pouvait-il dire, en 1867, qu’il n’y avait qu’un pays où les catholiques souffrissent plus qu’en Bade, la Pologne. Les bourgmestres de Fribourg, de Constance, d’autres villes encore, orientaient leurs municipalités comme le premier ministre orientait l’État : l’anticléricalisme s’étalait dans les programmes municipaux ; entre les tels de ville et les presbytères, des escarmouches se livraient.

Adieu, désormais, aux derniers restes de liberté que l’Église badoise se flattait encore de posséder. Était-ce à la domination de l’Église, ou bien à sa liberté, que Jolly s’attaquait par l’institution du mariage civil obligatoire, et par la loi scolaire de 1868, qui permettait aux communes de créer des écoles non confessionnelles ? C’étaient là des questions sur lesquelles les partis pouvaient longuement épiloguer, sans parvenir à s’entendre. Mais, de toute évidence, l’indépendance de l’Église était lésée lorsque Jolly intervenait, plus impérieusement encore que Lamey, dans la vie intérieure du pensionnat d’Adelhausen : pour donner le voile à deux postulantes dont le pouvoir civil appréciait l’esprit, l’archevêque exigeait d’elles certaines déclarations d’ordre ecclésiastique ; elles les refusèrent, furent privées du voile ; alors l’État badois vengea ses deux protégées en fermant la maison, dont tous les biens furent donnés à la ville de Fribourg. On s’émut vivement, parmi les catholiques, d’une aussi rapide désaffectation ; mais une loi se préparait, qui fut votée en 1870, et qui, sous les regards impuissans de l’Église, condamnait à une semblable destinée beaucoup de fondations pieuses.

Après la vie conventuelle, après la propriété ecclésiastique, le droit électoral des chanoines était à son tour lésé par l’entreprenant ministre. Lorsqu’en 1868 Vicari mourut chargé d’années,