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mondes : c’est à exercer la sagacité des gens d’esprit et à divertir la curiosité des citoyens inoffensifs.

Griffart, c’est Coquelin et c’est tout dire. Il est la verve, l’entrain, la malice, la bonhomie. Les autres autour de lui ne font que l’effet de comparses. Encore leur sait-on gré de ne pas paraître trop insuffisans en Louis XIV et en La Reynie, en Colbert et en Montespan !


On a souvent loué chez M. Sardou un remarquable sens de l’actualité. Le moment où il propose à notre admiration le subtil Griffart est justement celui où le type du policier amateur est redevenu à la mode grâce au succès des romans de Conan Doyle. A l’heure qu’il est, nous voici, une fois de plus, inondés de « littérature » policière, si j’ose m’exprimer ainsi. Vidocq a été remplacé par Sherlock Holmes. Au lieu du chef de la police, nous avons des tas de « professeurs, » rompus à l’art des déductions et qui en remontrent aux magistrats les plus retors. M. Pierre Decourcelle a réuni les principaux exploits de Sherlock Holmes dans une sorte de pot-pourri que représente en ce moment, — et avec quel succès ! — le Théâtre-Antoine. Truc du pistolet dégarni de ses cartouches, truc du cigare allumé, truc du mannequin, nous allons de trucs en trucs avec un ébahissement croissant. Cela fait songer beaucoup moins à Molière qu’à Robert Houdin.

M. Gémier sous les traits du flegmatique Sherlock et M. Harry Baur, en professeur Muriarty, sont deux partenaires tout à fait réjouissans.


La Fontaine eût aimé qu’on lui contât Peau d’âne. Pourquoi donc ne prendrions-nous pas un plaisir extrême à voir tirer de son sommeil de cent ans la Belle au Bois dormant ? Toute occasion nous est bonne pour revenir aux Contes de Perrault et en rafraîchir en nous l’impression ; car ce mince recueil est, à son rang, l’un des chefs-d’œuvre de notre littérature. J’ai beaucoup de chagrin qu’un excellent juge, M. Emile Faguet, ne pense pas ainsi. Mais quoi ! Ce Perrault est de l’époque de Racine et de Boileau. Il avait beau ne pas se ranger au même parti qu’eux, il appliquait à une mince matière les mêmes procédés avec lesquels ceux-ci traitaient de plus grands sujets. Il a comme eux la simplicité et le naturel : on ne conçoit pas, après l’avoir lu, que les choses eussent pu être dites autrement, et on imagine que ces mots, et non pas d’autres, ont dû se présenter d’eux-mêmes. Pas un trait qui soit inutile, pas un détail qui ne soit logique, pas une note qui ne soit juste. Nous avons beau être dans le monde du merveilleux,