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Bon chemineau ! « sa bienvenue, » — ou sa revenue, — « au jour lui rit dans tous les yeux. » Elle lui sourit jusque dans le regard suprême, et reconnaissant, de François le débonnaire. Il le veille, pendant que le reste de la famille est allée à la messe de minuit, et le dernier geste du mourant est de passer au doigt de celui qu’il sait avoir été son devancier, l’anneau qui le désigne pour son successeur.

Tout de même, trop est trop. Le sympathique vagabond refuse une succession décidément peu compatible avec son humeur, et dans la neige, à travers la nuit, le chemineau reprend son chemin et sa chanson.

Autant que le drame de M. Richepin, et avec lui, la musique de M. Leroux a remporté et continue d’obtenir le succès le plus éclatant. Il est bien permis à un musicien de s’en réjouir. Sans doute, mais à un seul. Les autres, au contraire, peuvent et doivent même en éprouvez quelque regret.

Ce n’est pas que cette musique soit affreuse, ou laide seulement. Obscure ou difficile, pas davantage. Ordinaire, commune, voilà ce qu’elle est le plus, et, malgré l’apparente antinomie des termes, on pourrait affirmer qu’elle est cela d’une façon rare ou singulière, s’il n’était plus véritable encore qu’elle l’est de toutes les façons. Elle l’est par le fond et par la forme, qu’en art, surtout en musique, il est presque impossible de séparer l’un de l’autre, et que par conséquent on est bien forcé d’analyser ensemble.

L’idée premièrement, — et quand on dit « l’idée musicale, » tout le monde à peu près entend ce qu’on veut dire, — l’idée est ici de qualité inférieure, prise tantôt au hasard, tantôt à l’ancienneté, rarement au choix. Aussi bien, dans le Chemineau, la mélodie coule à flots, non seulement des lèvres des personnages, mais de l’orchestre même. En cette copieuse et banale musique, les instrumens ne chantent pas moins que les voix. Ils ne chantent pas non plus autrement. Ils marquent, ou plutôt ils effleurent chaque figure, chaque situation dramatique d’un signe (ou d’un leitmotiv) malheureusement dépourvu de caractère original et de profonde vérité. On pourrait extraire de l’ouvrage de M. Leroux un album, — un volume peut-être, — de truismes sonores. Dans les entr’actes en particulier (il y en a trois, et non des plus petits), l’absence d’action et de texte laisse mieux paraître encore l’indigence des formes premières. Mais dans les actes mêmes et sous les paroles, elle se révèle et s’étale à tout moment. C’est le modèle ou le type du genre, que certaine cantilène (au troisième acte) accompagnant la rêverie et la réminiscence du chemineau