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d’imagerie, plutôt que de peinture. Ce ne sont que harpes égrenées, unissons trop faciles de violons faussement émus et de violoncelles sanglotant à volonté, comme des enfans. Dans une scène d’Henry Monnier, je me souviens que la maîtresse de piano disait à la petite fille : « Ne vous penchez pas ainsi au cantabile : c’est du charlatanisme. » Les cantabile de M. Leroux se penchent trop souvent de cette manière-là.

Peu d’orchestration, disons-nous. Peu de symphonie aussi. A la mélodie exposée par la voix, les instrumens répondent volontiers par la même mélodie. En fait de développement ou de travail thématique, quelques altérations ou variantes,— sans beaucoup de sens ou de valeur, — de l’harmonie du mode et de la tonalité. Mais surtout, des redites et de continuelles « progressions. » Vous connaissez le procédé musical. Il est comparable, dans l’ordre des affaires ou de la finance, à ce qu’on nomme les reports ; en architecture, il rappelle le style de ces maisons, commodes et banales, où se retrouve, à tous les étages, le même appartement.

J’ai quelquefois songé qu’on pourrait former une galerie avec les muses de nos « jeunes maîtres, » comme ils se laissent appeler jusqu’aux environs de la cinquantaine. Je sais, et je la vois d’ici, la plus laide. Ses compagnes l’environnent : celle-ci noble et grave, celle-là touchante et spirituelle tour à tour, une autre savante, mystérieuse et se dévoilant à peu de regards. Une autre enfin semble du peuple, et du peuple de Paris, mais elle en a la poésie avec les chants, et les sœurs divines l’accueillent. Quant à la muse de M. Leroux, déjà plus d’une fois elle a changé de visage et de façons. Elle se donna jadis, à l’époque d’Astarté, l’air d’une courtisane. On dirait plutôt aujourd’hui d’une fille de ferme. Pourquoi, se corrigeant de la luxure, a-t-il fallu qu’elle tombât dans la vulgarité ? Là décidément est la tache, ou la tare. On ne citera jamais trop le mot, cent fois cité, de Rossini : « Vous chantez avec votre âme, ma fille, et votre âme est belle. » L’âme de cette musique n’est pas belle ; elle n’a rien de haut, rien de pur. C’est pourquoi nous regrettons que l’âme de la foule entre en contact, en communion avec elle. Quand paraît une œuvre nouvelle, on peut choisir, afin de l’annoncer, entre deux formules brèves. Salve, c’est pour lui rendre hommage. Cave, c’est pour avertir le public, dût-il ne pas nous écouter.

L’interprétation et la représentation de l’œuvre la dépassent de la même hauteur. On ne saurait assez dire de Mme Friche qu’elle « incarne, » avec une ampleur visible autant que sonore, le personnage