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est permis d’en parler brièvement. Il me suffira de rappeler quelles restèrent fidèles jusqu’à la fin du moyen âge, — et bien au-delà, — à leurs origines religieuses. Jamais le saint patron qui protégeait chaque métier n’a été plus fêté qu’au temps où nous sommes. Dans l’église, il avait sa chapelle où se réunissaient maîtres et compagnons, et souvent, près de l’autel, se voyaient les chefs-d’œuvre de maîtrise. L’image du saint ornait les bannières de la confrérie ; elle était sculptée au sommet du bâton qu’on portait par la ville, au son de la musette, le jour de la fête du métier. Elle se voyait sur les blasons des corporations ; car les roturiers voulurent avoir leurs armoiries comme les gentilshommes. En Touraine, les maréchaux avaient un saint Éloi d’or sur fond d’azur, les bouchers un saint Eutrope, les rôtisseurs un saint Laurent. Les boulangers portaient d’azur au saint Honoré vêtu pontificalement, tenant une pelle à four d’argent, chargée de trois pains ronds de gueules. On faisait mieux encore : le jour de la fête du métier, quand le cortège, avec ses cierges, ses bouquets, son bâton sculpté et sa bannière, se rendait à l’église, un compagnon, vêtu en apôtre ou en évoque, représentait le saint patron de la corporation. A Châlons, on voyait, au milieu des mariniers, saint Nicolas en personne, accompagné des trois enfans qu’il avait ressuscites ; et, en tête du cortège des déchargeurs de bateaux, marchait un grand saint Christophe, portant l’Enfant Jésus sur ses épaules.

Ce long développement sur les confréries n’est pas une digression. C’est à ces confréries, en effet, que nous devons une partie des images de saints qui ornent encore aujourd’hui nos églises.

Les confréries de métiers se montrèrent aussi généreuses qu’au XIIIe siècle. Beaucoup d’œuvres d’art subsistent, qui témoignent de leur libéralité. Un beau vitrail, où l’histoire de saint Eloi est racontée, fut donné à l’église de la Madeleine par les orfèvres de Troyes. On y lit encore cette inscription pleine de foi et d’humilité : « Les orfèvres, par dévotion à saint Eloy, font ceste verrière, voulant obtenir rémission de leurs péchés et grâce entière… Que la paix de Dieu leur soit faicte pour ce bien-faict en paradis (1506). »

On voit encore, dans l’église de Pont-Audemer, le vitrail que les boulangers firent faire, en 1536, en l’honneur de saint Honoré leur patron. De charmans vitraux, consacrés à la légende de saint Crépin et de saint Crépinien, ornent une chapelle de l’église