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opérer partout où il passe. Dans l’hôtellerie de Toulouse, la chambrière ne l’a pas plutôt aperçu qu’elle ne pense plus qu’à lui. Elle le lui dit sans détour, mais le jeune homme, qui sait ce que se doit un pèlerin de saint Jacques, l’éconduit avec mépris. La rage la pousse au crime. Pendant la nuit, elle entre dans la chambre où dorment les trois voyageurs, et glisse une coupe d’argent dans le sac du jeune homme. — L’histoire ainsi présentée devient non seulement vraisemblable, mais encore très propre à intéresser le spectateur.

Tel est le thème qui a inspiré tous nos peintres verriers. A Lisieux, à Courville (Eure-et-Loir), à Triel (Seine-et-Oise), à Châtillon-sur-Seine, à Châlons-sur-Marne, on voit la servante qui cache la coupe au milieu des hardes du jeune voyageur. Partout aussi on voit la mère couchée aux côtés du père. Donc partout l’artiste s’est souvenu du drame. Il est évident que les confrères lui proposèrent leur pièce comme modèle. Il est non moins évident que les dessinateurs de ces vitraux avaient assisté à une représentation du Miracle de saint Jacques.

Bien d’autres vitraux commémorent les jeux dramatiques organisés par les confréries.

Dans les vitraux légendaires de la fin du XVe siècle et de la première moitié du XVIe siècle, on devine partout des souvenirs des Mystères. Les saints se meuvent dans un monde où la vérité se mêle au rêve. Les costumes sont bien ceux du règne de Louis XII ou de François Ier. Mais de temps en temps un détail étonne, dépayse : les tyrans portent d’étranges chapeaux, les reines ont trop de perles dans leurs merveilleuses coiffures ; les chevaliers ont des armures d’or dont il n’y a pas de modèles. L’artiste cependant n’a rien inventé : il a copié ce qu’on lui montrait. Il suffit d’avoir lu la description des costumes du Mystère joué à Bourges pour en être convaincu. De ce gracieux mélange de réalité et de -poésie sont nées des œuvres d’art exquises. Ces belles verrières du XVIe siècle qui sont si près de la vie, et pourtant flottent dans le songe, font penser non pas aux Mystères, — elles sont plus riches d’art et de vraie beauté, — mais au théâtre de Shakspeare.

Voilà les chefs-d’œuvre qu’ont fait naître les Mystères. Or, comme ce sont des confréries qui demandaient aux poètes la plupart des drames consacrés aux saints, comme ce sont elles qui les conservaient, qui les mettaient en scène, qui les jouaient,