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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Au moment où nous écrivons, la Chambre des députés a repris et continue le grand débat sur le Maroc qui était resté en suspens à la fin de la séance du 24 janvier. Les nécessités de la mise en pages nous obligent à rédiger notre chronique plusieurs jours avant qu’elle paraisse : ne pouvant pas échapper à cet inconvénient, nous prenons le parti d’en faire l’aveu à nos lecteurs. C’est ainsi qu’il y a quinze jours, notre travail était déjà imprimé lorsque la nouvelle a éclaté que Moulai Halid avait été proclamé à Fez, ce qui introduisait un élément imprévu et très inquiétant dans les affaires marocaines. Il n’est heureusement pas probable que le résultat des interpellations en cours ait des conséquences aussi graves : peut-être pourrons-nous l’indiquer on terminant.

Ces interpellations marocaines nous réservaient une surprise, l’intervention de M. Delcassé, qui a changé la physionomie du débat. Elle a été très maladroitement provoquée par M. Jaurès. Après nos arrangemens avec l’Angleterre de 1904, M. Jaurès avait considéré la question marocaine comme résolue, puisque l’Angleterre nous reconnaissait le droit exclusif de la résoudre : à présent, il qualifie de téméraire et condamne sévèrement cette même politique de M. Delcassé qui avait alors suscité son enthousiasme. On sait que M. Jaurès n’en est pas à une contradiction près. M. Delcassé a perdu patience. Depuis deux ans et demi, il avait gardé le silence, laissant les médisances et les calomnies pleuvoir sur sa politique et sur sa personne ; mais il fallait bien s’attendre à ce que, un jour ou l’autre, il reprit la parole pour s’expliquer. Peut-être aurait-il mieux valu qu’il attendit quelque temps encore ; mais pourquoi ses adversaires le harcelaient-ils continuellement de leurs accusations ? pourquoi M. Jaurès semblait-il avoir pris à tâche de le faire sortir de sa réserve ? C’était là une