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notaires lorrains, et telle page de lui sur les splendeurs du cadastre épouvanterait les pseudo-Barrèsiens qui n’ont jamais lu que l’histoire de la Pia. Mais pourquoi chercher des exemples ? Dans ce livre trop peu connu de Scènes et doctrines du nationalisme, M. Barrès nous détaille par le menu le protocole compliqué de ses promenades. Je veux parler de la visite qu’il fit à Combourg pendant un entr’acte du procès de Rennes. Le choix même de Combourg est déjà caractéristique. On voit M. Barrès parcourant la carte des environs de Rennes et cherchant des promenades qui conviennent à l’émotion qui le remplit. Comme il ne veut rien qui le « détourne de la discipline nationale, » il élimine sans hésiter « les bois immenses de Brocéliande » et, de tout ce qui jadis aurait pu le séduire, il ne retient que trois points, trois sanctuaires proprement, exclusivement français, les Rochers, la Chênaie, Combourg. Va pour Combourg. Mais, avant de partir, le pèlerin veut relire le premier volume des Mémoires d’outre-tombe, et il se munit des monographies locales que lui signale quelque savant de l’endroit. N’oubliez pas que tout ceci n’est qu’une distraction, un repos entre deux séances du conseil de guerre, entre deux de ces articles que chaque soir le télégraphe transmet à Paris. M. Barrès sait donc avant de partir, et dans le plus infime détail, ce qu’il veut voir à Combourg. Dans l’espoir d’éclaircir un point controversé, « je vais, dit-il, je vais à la mairie, consulter le cadastre. »


Il ne donna jamais son cœur aux poètes, celui qui peut sourire des efforts que tout un jour je multipliai pour toucher exactement ces lieux où j’entrevois que la sauvage et la druidesse soupirèrent d’abord et prirent leurs premières couleurs.


Chez un romantique aussi discipliné que M. Barrès, ces humbles liturgies, bien loin de gêner l’inspiration proprement dite, l’activent au contraire en la dirigeant. Ces apparentes contraintes rendent plus intense l’émotion du pèlerin et plus active sa prière. J’emploie à dessein ces métaphores, M. Barrès nous y invite lui-même, et l’on peut répéter de ses plus belles impressions de voyage ce qu’il a dit de sa première étape dans la Vallée de la Moselle.


S’il avait pu, dans cette minute, rendre intelligible son état, Mme Gallant de Saint-Phlin se fût écriée : « Mais voilà ce que j’appelle la religion ! »