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un actif plus indiscutable que les rentes françaises, puisque après tout le débiteur de celles-ci est la nation tout entière : en effet, chacun de nous, pour sa quote-part de contribuable, n’est-il pas chargé d’assurer le service dos rentes qui entrent dans le patrimoine d’un nombre limité de nos compatriotes ; et ce qui remplit le porte-monnaie de quelques-uns ne sort-il pas de la poche de tous les autres ?

Le problème se réduit donc à décider si, parmi les valeurs étrangères qui forment une si large part de la fortune française, 30 milliards au moins sur 200, il convient de faire une place aux valeurs allemandes, ou plutôt d’agrandir cette place, en permettant plus largement l’accès de nos portefeuilles à ces titres. Certes, il ne s’agit pas d’ouvrir la porte à deux battans à toutes les actions de banque et d’industrie d’où Ire-Rhin ni de commencer par en pousser les cours à des hauteurs excessives, comme nous avons eu le tort de le faire, vers la fin du XIXe siècle, en nous jetant sur une série de valeurs industrielles russes, dont quelques-unes nous ont causé depuis de cruels mécomptes. La sagesse consisterait à en choisir un petit nombre, parmi celles qui présentent le plus de chances de durée et de prospérité, et à demander en échange de notre apport de capital une représentation dans les conseils qui les dirigent. C’est du reste ce qui s’est pratiqué dans les dernières années, notamment pour certains charbonnages. Il est probable que nous trouverions ainsi l’occasion de placer des sommes assez importantes, sans courir de risques déraisonnables et en restant maîtres de surveiller l’emploi de nos deniers. L’Allemagne n’est pas loin ; les voyages y sont faciles ; la propriété y est bien garantie : des placemens faits dans ces conditions comportent infiniment moins d’aléa que les aventures lointaines et chimériques auxquelles, malgré notre sagesse financière, nous nous sommes trop souvent laissé entraîner. Un charbonnage, une aciérie, une banque allemande nous paraissent présenter des garanties supérieures aux actions de mines situées aux antipodes ou même aux rentes de certaines républiques américaines. Donc, au point de vue de la qualité du placement, il n’y a pas d’hésitation à avoir. Reste l’objection souvent faite et qui est tirée de l’état de nos relations politiques avec nos voisins.

Convient-il de leur venir en aide en fournissant des capitaux à leurs entreprises, et en contribuant ainsi indirectement à leur