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l’arrête, on lui parle, et sa rencontre avec Faust, l’offre courtoise et le timide refus, sans y rien perdre en élégance, en poésie, y a gagné plus de naturel et de familiarité.

L’exécution musicale, comme la représentation visible de l’œuvre, a changé. De Mlle Hatto (Marguerite) et de M. Delmas (Méphistophélès) les mérites, inégaux, nous étaient bien connus. Dans le rôle de Faust, où nous ne l’avions pas encore entendu, M. Muratore, à mainte reprise, nous a charmé. Le charme en effet distingue ce chanteur qui chante au lieu de crier, qui ne « pousse » pas sa voix, qui, plutôt que de hacher la phrase musicale, la soutient et la conduit ; charme sans mièvrerie ni fadeur et, dans l’acte du jardin, mêlé de passion timide et de trouble mystérieux. Il ne serait pas impossible que le sympathique ténor eût pris et compris les conseils d’un autre, silencieux aujourd’hui, mais qui fut à l’Opéra le plus admirable de tous et que, pour ne point offenser les autres, il convient de ne pas nommer.

Dans la salle un peu plus propre, un peu plus claire, la sonorité générale et particulièrement celle de l’orchestre a paru moins sourde. Les instrumens à cordes mêmes y ont repris un mordant qu’on ne leur connaissait plus et que peut-être, s’il plaît aux instrumentistes, ils ne perdront pas tout de suite.

Mais le principal effort des directeurs nouveaux a porté, comme on l’espérait, sur la rectification des mouvemens. Vous savez, et nous en avons récemment gémi, qu’à l’Opéra, depuis longtemps, la musique était en proie à la fièvre, à la folie de la vitesse. Rien n’était plus urgent que de l’en guérir. Craignons seulement de forcer le traitement et que, des convulsions ou du tétanos, on ne tombe dans la maladie du sommeil. Le pouls était beaucoup trop vif, il s’est un peu trop ralenti. La vie a paru çà et là diminuée et refroidie. Mais tout de même, de l’un ou de l’autre excès, l’autre, et de beaucoup, était le pire. L’ensemble de l’ouvrage a profité de l’apaisement général. Il y a gagné plus de noblesse et de sérénité. Maint détail, que trop de précipitation faisait vulgaire, a reparu dans sa grâce et sa finesse primitive. Depuis longtemps on n’avait pas traité le chef-d’œuvre de Gounod avec autant de respect. Cela s’est bien vu, — ou bien entendu, — dès le commencement, dès le prélude austère et serré, dont il faut aisément, posément, nouer et dénouer ainsi les harmonies. Atténuée à tous égards, moins précipitée et moins tapageuse, la valse a produit un effet nouveau et charmant. Le ballet a retrouvé l’agrément de ses mélodies et de son orchestre. Il n’est pas jusqu’aux points d’orgue, aux silences, — ils peuvent avoir un sens, une beauté, comme les sons, — qui n’aient