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Wagner enfin, le Wagner de Parsifal, ne le dédaignera point et fera palpiter le même rythme autour des voix d’enfans chantant sous la coupole. Ne vous semble-t-il pas qu’une telle formule a quelque titre à notre estime et qu’il ne faut trop médire ni de son origine ni de son destin !

« La mélodie de Gounod. » Une étude sur ce sujet honorerait singulièrement le maître. Elle montrerait en lui la faculté créatrice, et créatrice de l’élément premier, de la cellule vivante. Dans l’ordre de l’intelligence musicale, ce sont des idées, et nouvelles, et exquises, que tant de phrases fameuses de Faust, presque trop fameuses pour qu’on ose les citer encore, et dont au surplus il faudrait pouvoir citer non pas les paroles, mais les sons. Comme elle est dessinée et modelée, en un mot plastique, la phrase du premier abord : Ne permettrez-vous pas, ma belle demoiselle ? Qu’elle a de grâce linéaire, de convenance logique avec le texte, et comme, divisée en deux périodes dont chacune a sa figure distincte et parfaite, elle ne forme pourtant qu’une période unique, belle et juste dans l’ensemble, et dans le détail aussi des moindres accens, des plus légères inflexions.

Autant le souffle de Gounod est pur, autant il est soutenu, témoin la cavatine de Faust et l’intérêt de la partie centrale, entre l’exposition et la reprise du thème. Ladite cavatine offre dès le début une de ces analogies étranges et qui, fortuites et comme lointaines, n’altèrent en rien l’originalité d’une forme sonore. Les premiers mots : Salut, demeure chaste et pure ! se chantent exactement sur les premières notes de l’adagio du concerto en ut mineur pour piano de Beethoven. Et, pour le dire en passant, il est au moins singulier qu’on accuse encore de petitesse et de mièvrerie cet « air, » ou cette « romance, » si le souvenir de Beethoven est le seul qu’elle puisse évoquer.

De l’imagination mélodique de Gounod veut-on d’autres exemples ? Sera-ce la phrase, devenue populaire : Laisse-moi contempler ton visage ? Elle est assurément immortelle, puisque ni les injures du temps, ni les autres, ne l’ont fait mourir encore. Après un demi-siècle il suffit de l’entendre chanter, — ce qui s’appelle chanter, — pour la retrouver intacte, avec son relief délicat, ses lignes qui montent et descendent, avec ses périodes symétriques sans artifice, avec ses alternatives de sonorité et de silence, de plénitude et de vide, belle enfin de proportion et d’équilibre et, par la direction, par le rythme, harmonieuse dans l’espace autant que dans la durée.

Il faut de la musique pour fendre le cœur. Il en faut aussi qui le fonde, et telle est la musique de Gounod. Rappelez-vous le nocturne