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verte et transparente, l’œil découvre, à plus de trente et quarante pieds de profondeur, des masses de granit de différentes formes, et dont quelques-unes paraissent comme nouvellement sciées par la main de l’ouvrier. »

Il ne manque à cette prose que la rime pour nous convaincre.

Quant aux grottes, aux cavernes et aux retraites moussues de Silius, on aura quelque peine à se les figurer, la profondeur du Trasimène ne dépassant nulle part sept mètres. Lorsque le vent, descendant des montagnes voisines, souffle en tempête, les lames profondes atteignent sans peine le sol limoneux qui forme le lit du lac et les eaux se troublent comme par enchantement. Les calmes les plus persévérans ne suffisent pas à leur rendre une transparence qu’elles n’ont jamais eue. Pour trouver une ombre d’excuse, aux assertions de Matteo et de ses émules, il faut admettre qu’ils aient cherché leurs termes de comparaison dans le vieux Tibre qui charrie ses ondes fauves dans le voisinage.


II

Plusieurs torrens se jettent dans le Trasimène, mais lui-même n’a pas d’écoulement naturel. Pendant un temps incommensurable, l’évaporation compensait tant bien que mal la quantité de liquide déversée dans le réservoir par les ruisseaux, ses tributaires, et par l’eau du ciel. Les riverains n’en étaient pas moins exposés à des crues subites, source continuelle de dommages inévitables.

En vue de parer à ces inconvéniens, on avait construit, à une époque que ni les historiens, ni les ingénieurs ne sont parvenus à déterminer, une longue galerie d’écoulement. Le canal devait transporter le trop-plein de la cuvette dans un des affluens du Tibre. Par malheur, si l’idée était heureuse, les hommes chargés de la réaliser manquaient des connaissances techniques indispensables. Ils creusèrent une galerie d’un diamètre insuffisant et d’un cours si irrégulier que le volume d’eau exporté était insignifiant. A la suite de pluies torrentielles comme en connaît culte région voisine de l’Apennin, le niveau du lac s’élevait tout à coup de deux ou trois mètres au-dessus de la normale. C’était un fléau périodique auquel on songea, dès le milieu du siècle dernier, à porter remède. Mais, tout en s’accordant sur le principe, on différait radicalement d’opinion sur les moyens à