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sénateur, contenait ces éloges : « Le citoyen de Belloy a été pendant cinquante ans d’épiscopat le modèle de l’Église gallicane. Placé à la tête du premier diocèse de France, il y donne l’exemple de toutes les vertus apostoliques et civiques. » Quelques mois après, l’archevêque recevait le chapeau, au consistoire du 17 janvier 1803, où furent proclamés cinq cardinaux français. Le nouveau cardinal, pour témoigner sa gratitude, se montrait fort déférent envers le restaurateur des autels. Exagérant les traditions gallicanes, il recommandait à son clergé « le plus profond respect et la plus vive reconnaissance pour le gouvernement, » contribuait aux dépenses de la guerre par des subsides au Trésor public, et célébrait avec emphase dans ses mandemens les grands événemens politiques et les victoires napoléoniennes.

La conclusion du Concordat n’avait point fait cesser l’hostilité de certains fonctionnaires contre l’Église. Pour obéir aux ordres du préfet de police Dubois, ses agens s’ingéraient continuellement dans les affaires ecclésiastiques et accueillaient avec une naïveté ridicule les commérages qui pouvaient nuire au clergé[1].

Napoléon voyait dans le clergé séculier, — comme l’a si fortement établi l’auteur des Origines de la France contemporaine, — « une gendarmerie de surcroît, » une sorte de « police préventive, » qu’il était décidé à utiliser. Mais la raison d’être du clergé régulier ne lui paraissait pas aussi évidente : il ne comprenait pas la nécessité des ordres contemplatifs, et, parmi les congrégations, n’admettait que celles qui avaient une utilité pratique, comme les Filles de la Charité ou Sœurs de Saint-Vincent de Paul[2]. M. de Lanzac de Laborie fait justement remarquer que Napoléon partageait « les préventions des philosophes et des économistes du XVIIIe siècle contre les vœux perpétuels » qui entravaient le développement de la race. Le Journal Anecdotique de Mme Campan prête cette boutade à l’Empereur : « Les couvens

  1. Le costume prescrit aux prêtres par les articles organiques n’était pas la soutane dont la réapparition aurait soulevé trop d’oppositions, mais « l’ancien habit court avec rabat, soutanelle, culotte et bas » qui était d’étiquette à Versailles avant la Révolution. Les évêques pouvaient y « joindre » la croix pastorale et les bas violets. Les prêtres concordataires endossèrent à regret ce costume qui était celui des anciens abbés de cour. A partir du mois de janvier 1804, le port de la soutane fut autorisé, et l’habit à la française ne fut plus « qu’un costume de voyage. »
  2. Cette communauté avait été rétablie en l’an IX, sur la proposition du ministre de l’Intérieur Chaptal.