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trois ans plus tard, devant l’assemblée du clergé, celui de saint Augustin. En 1781, il prêchait avec éclat le carême à Versailles, faisant devant le Roi le procès du gouvernement de Louis XV. Ses talens oratoires le désignèrent au choix de l’Académie : en 1785, il succédait au poète Le Franc de Pompignan. Maury opéra progressivement son évolution. Le clergé du bailliage de Péronne l’envoya siéger aux États généraux où son succès d’orateur fut très vif. Il était le seul membre de la droite qui pût se mesurer avec Mirabeau ; apte à traiter toutes les questions, il plaidait toujours la cause de l’ordre établi.

A l’expiration de son mandat, l’abbé Maury émigra à Rome. Pie VI le nomma archevêque in partibus de Nicée, le chargea de le représenter au couronnement de l’empereur François, — ce qui valut ensuite au nonce la barrette de cardinal, — et lui donna l’administration du diocèse de Montefiascone, situé dans les États de l’Église. Maury, qui avait défendu les intérêts de Louis XVIII au conclave de Venise, tenta de s’opposer à la signature du Concordat : il envoya au Pape Pie VII un mémoire « où étaient énergiquement résumés tous les motifs de n’avoir point confiance en Bonaparte. »

Le prélat avait trop d’ambition pour ne pas souhaiter de rentrer en France. Les hautes situations auxquelles il voyait parvenus ses anciens collègues de la Constituante, un Boisgelin, un Mounier, un Malouet, hantaient son imagination. Pie VII, désireux de servir les intérêts de l’évêque de Montefiascone, lui fit adresser, le 12 août 1804, une lettre de souhaits à l’Empereur, « lettre d’enthousiaste adulation, » qui fut confiée au cardinal de Belloy. Belloy félicita Maury de cette épître ; elle fut publiée dans les journaux et considérée comme un « acte de solennelle et éclatante adhésion à l’Empire. » Le cardinal vit Napoléon pour la première fois à Gênes, le 1er juillet 1805, et se déclara aussitôt conquis. Lorsqu’il rentra à Paris le 26 mai 1806, le peuple se porta en foule à la rencontre du prélat qu’il reçut aux cris de : « Vive l’abbé Maury ! » Le cardinal, qui avait pour devise Beati possidentes, ne négligeait rien pour flatter l’Empereur. « Un jour qu’à Saint-Cloud, par manière d’épreuve ou de taquinerie, Napoléon lui demandait devant témoins où il en était avec la maison de Bourbon, il répondait avec plus d’esprit que de délicatesse qu’il avait perdu la foi et l’espérance et qu’il ne lui restait plus que la charité. » Dans son discours de « rentrée à