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de police. Elle obtint, par concession, de passer chez elle pour y prendre des effets à son usage, soumis à l’inspection de son camarade de voyage.

Je ne m’attendais pas à un si brusque enlèvement, quoique M. Thiers m’eût énoncé la volonté de l’isoler des conseils de la coterie qui l’expédiait. Celle-ci, en effet, comptait bien endoctriner Mme Hansler et avait réservé les avis les plus importans pour le dernier moment ; elle se trouva fort désappointée de ce départ improvisé, et m’en sut très mauvais gré comme si c’était faute.

Les services que j’avais été à même de rendre dans ces circonstances me valurent, comme de coutume, un redoublement d’hostilité du parti henriquinquiste. Je fus tympanisée dans ses journaux, et on répandit la belle nouvelle que j’allais épouser M. Thiers. J’étais fort au-dessus de m’occuper de ces sottises, et on ne réussit même pas à m’impatienter.

Tous les partis sont ingrats, et surtout celui-là qui s’intitule par excellence le parti des honnêtes gens. Au demeurant, le but où je tendais a été atteint. Car, à travers toutes les vociférations de la haine, de la colère, de la vengeance, personne n’a osé prétendre que la captive de Blaye ne fut pas traitée avec les égards qui lui étaient dus.

À peine Mme la duchesse de Berry était-elle sous les verrous que M. Pasquier se préoccupait des moyens de les lui faire ouvrir. Il n’en voyait la possibilité, dans les circonstances données, que par une amnistie générale où elle serait comprise ; et l’intérêt gouvernemental, encore plus que celui de la princesse, le décida à la conseiller dans une note remise au Roi.

Les cours de Blois, de Nantes, de Rennes, d’Aix, de Montauban, etc., allaient être appelées à juger les complices de Marie-Caroline, et ne manqueraient pas de réclamer sa présence. Ce serait une première difficulté d’avoir à la refuser. Ne devait-on pas craindre, et cela est effectivement arrivé, que l’absence de la principale accusée ne fît acquitter tous les inculpés ?

Or ces acquittemens, quoique purement de fiction légale, seraient exploités comme un encouragement national par le parti légitimiste ; la voix du juré, pour le coup, serait proclamée la voix du pays. Tandis qu’en publiant une amnistie, — fondée sur le point de vue de la guerre civile vaincue et de l’Ouest pacifié par l’éloignement et la dispersion des chefs, — on évitait ce