Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/854

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

épée, réduite par l’ascétisme et la volonté, d’une pureté presque glaciale, vraiment radieuse de tous les rayons de l’âme, chrétienne et royale souverainement. Si nous cherchons quelle formule de vie a produit ces types suprêmes, nous trouvons celle de la règle franciscaine, que Ruskin reprend, et qu’il prêche aux hommes de son pays : la Foi, l’Obéissance et la Paix, — la première illuminant les âmes et leur soufflant les énergies actives, la seconde disciplinant chacune d’elles et lui donnant sa forme, disciplinant la communauté et lui donnant sa forme, — la troisième assurée par les deux premières : paix de ces âmes dont les forces s’assemblent dans la foi qui les régit. Oui, dans la suprême énergie de ces purs visages s’atteste « la foi qui monte jusqu’à la sérénité de ce savoir certain : je sais que mon Rédempteur vit[1], » — la foi autoritaire que nous enseigne le Christ triomphant d’Amiens : « je sais que si je fais, que si je suis ceci, je vivrai, que si je ne fais pas, que si je ne suis pas ceci, je mourrai[2], » — la foi dont la puissance active a toujours gouverné et toujours gouvernera le monde.


II

Mais laissons la contemplation du passé. Ces figures sublimes d’autrefois, radieuses de la lumière de l’Évangile, qu’elles nous aident surtout à concevoir notre idéal actuel, le rêve de vie harmonieuse et forte, joyeuse et grave, que malgré nos circonstances différentes, — et même si la simple foi chrétienne n’est plus possible à tous les hommes d’aujourd’hui, — nous tâcherons encore, dans notre Angleterre, à réaliser. Prenons la créature humaine à sa naissance, si vague, indéterminée, et que nous laissons généralement au hasard de déterminer pour son bien ou pour son mal, — pour son mal plus souvent que pour son bien. Comment faire pour la développer dans le sens que nous savons maintenant celui de sa perfection, c’est-à-dire, d’une part, vers la pleine floraison de toutes ses énergies, et, d’autre part, vers cet ordre durable des énergies bien assemblées, vers cette fermeté des contours qui feront, avec le caractère accentué de la personne, sa puissance et sa dignité ?

Au commencement de tout, que l’homme soit un animal

  1. Fors Clavigera, lettre 92.
  2. Bible of Amiens, IV.