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études de trois ou quatre camarades plus jeunes que lui. Songea-t-il à se fixer dans ce milieu universitaire qui a tout d’abord, tant de séductions pour une intelligence cultivée, mais où l’esprit s’endort peu à peu dans une rêveuse oisiveté ? Non seulement on n’y agit pas, mais on y cause plus qu’on n’y écrit, et la substance du livre qu’on a en tête s’y dissout peu à peu dans des conversations sans fin pendant que le dilettantisme s’y aiguise et s’y raffine. M. Asquith ne pouvait vivre longtemps dans cette atmosphère intellectuelle qui stimule l’adolescent et assoupit l’homme fait. En 1876, nous le trouvons à Londres où il est reçu avocat. Alors, après la délicieuse quiétude et les batailles platoniques de l’Université, commencent, pour lui, les vraies, les âpres luttes. Il les aborde de front et, avec un courage que personne, j’en suis sûr, ne refusera d’admirer, il en double volontairement la difficulté par un mariage précoce qui est encore, — ai-je besoin de le l’aire remarquer ? — un trait de la nature puritaine.

Je ne dirai rien de la première Mrs Asquith : elle ne m’appartient en aucune façon. Je ne parlerai pas davantage de la seconde qui est entrée beaucoup plus tard dans sa vie. Cependant, elle est loin de refuser à l’attention publique sa brillante personnalité, et elle a sa légende à côté de l’histoire de son mari. Ma curiosité ne serait donc pas tout à fait de l’indiscrétion, mais elle ne me servirait de rien, car M. Asquith est un de ceux en qui l’homme intime ne semble pas avoir influé sur l’homme public.

Les premières années furent difficiles. Tous les matins, le jeune avocat descendait de Hampstead, où il avait établi son home, et que sa jeune famille ne tarda pas à venir peupler, pour aller, dans son bureau, attendre les cliens qui n’arrivaient pas. Il guettait cette occasion qui finit toujours par surgir sur la route d’un jeune homme obscur, mais intelligent et déterminé à faire son chemin. L’une des premières qui s’offrit fut la défense de John Burns, prévenu d’avoir tenu un meeting illégal dans Trafalgar Square. Burns, aujourd’hui son collègue à la table du Conseil, était alors considéré comme un révolté, un paria, un ennemi de la société. Asquith n’obtint pas un acquittement, mais c’était là une de ces défaites prévues et retentissantes, comme nous en avons vu quelques-unes autrefois, qui mettent en évidence l’avocat encore plus que le client. Un peu plus tard, il était le lieutenant de sir Charles Russell dans le procès de Parnell contre le journal le Times. Tandis que cette longue