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un homme doué de tact et de sagacité, aimant les enfans et leur inspirant confiance ; enfin, que les agens de surveillance soient bien qualifiés et s’acquittent de leur tâche, non pas en mercenaires, mais en amis de la jeunesse.

Aussi est-ce en général chez les femmes qu’on recrute les meilleurs probation officers. Or ces conditions ont été jusqu’ici réalisées, aux États-Unis, grâce aux qualités de cœur et d’esprit de magistrats tels que le juge Lindsey (de Denver) et le juge Tuthill. De 1899 à 1904, plus de la moitié des enfans placés sous le contrôle de ces inspecteurs n’ont pas commis de récidive. A Indianapolis, le nombre des récidivistes n’a été que de 10 pour 100. A Denver (Colorado), sur 554 délinquans, mis en liberté pendant les deux premières années, 31 seulement, soit 5,6 pour 100, tous les garçons ont dû être renvoyés devant le tribunal, à cause du milieu dépravé où ils vivaient. A New-Jersey, il y a eu décroissance marquée dans le chiffre des enfans traduits en justice. Mais il ne faudrait pas juger du succès de ce système par ce dernier chiffre ; à Denver, en effet, le prestige du juge Lindsey a attiré plus de 150 petits vagabonds à se présenter spontanément devant lui, pour lui avouer leurs méfaits sans l’intervention de la police[1].

PAYS-BAS. — Revenons en Europe et visitons les Pays-Bas. Cette contrée a été depuis longtemps fameuse pour ses béguinages, ses orphelinats et ses œuvres d’assistance aux vieillards et aux vagabonds. Amsterdam eut, dès 1595, ses Rasp-huise et ses Spin-huise[2], c’est-à-dire des asiles où l’on offrait l’hospitalité aux misérables, hommes ou femmes, moyennant un travail manuel. De là, cette utile institution se propagea en Belgique, en Allemagne et jusqu’en Danemark.

Mais jusqu’en 1901, les enfans trouvés, les petits vagabonds, etc., étaient traités comme en France, c’est-à-dire qu’à partir de douze ou de treize ans les jeunes délinquans étaient enfermés dans la prison commune, traduits en justice et puis menés à la maison de correction. Or, depuis une dizaine d’années, on s’aperçut de l’inefficacité du système, aux signes suivans : jeunesse de plus en plus indisciplinée, nombre croissant de

  1. On essaie, en ce moment, en France, ce mode de mise en liberté nouvelle ; mais il faut attendre encore quelque temps avant de se prononcer sur son efficacité.
  2. Dans le Rasp-huis les hommes étaient employés à râper du bois de campêche pour la teinture et dans le Spin-huis les femmes niaient la laine.