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envers nous qui sommes aux prises, dans la Chaouia et dans le Sud-oranais, avec les difficultés que l’on sait. Nous ne mettons nullement en cause les dispositions du gouvernement impérial ; il ressort de la publication qu’il vient de faire d’un Livre blanc sur les affaires marocaines, que sa conduite générale dans ces affaires a été, depuis quelque temps, ce qu’on devait attendre d’un signataire de l’Acte d’Algésiras ; son altitude à notre égard est moins tendue qu’elle ne l’était naguère ; mais s’est-il bien rendu compte du contre-coup que produirait au Maroc la réception, même officieuse, des envoyés du prétendant ? Les nuances, nous allions dire les finesses protocolaires qu’il met dans cette réception sont trop subtiles pour faire, sur des imaginations africaines, l’effet qu’il en attend. Les puissances en tiendront compte ; ce sont distinctions faites pour elles et qu’elles comprennent, mais qui échappent à l’intelligence moins cultivée des Marocains. On ne verra qu’une chose dans la Chaouia et dans le Sud-oranais, à savoir que les émissaires de Moulaï-Hafid ont été reçus à Berlin, et il est à craindre qu’on n’y tire de ce fait brutal des conséquences que le gouvernement allemand désavouera sans aucun doute, mais qui se produiront malgré lui. Son rôle dans cette affaire introduit au Maroc une complication de plus.

Nous avons dit souvent que nous n’avions pas à prendre parti entre les deux frères, et les autres puissances n’ont pas plus que nous à se prononcer pour l’un ou pour l’autre ; mais cela ne signifie pas que nous devions les traiter pareillement sur le terrain international. L’un est le sultan régulier et l’autre est un révolté. Nous ne devons pas intervenir dans leur querelle, pas plus que nous n’aurions à le faire si une révolte ou une insurrection éclatait dans un pays quelconque ; mais, aussi longtemps que la révolution, l’insurrection n’a pas triomphé et que le pays n’a pas accepté et consacré sa victoire, nous ne connaissons et ne pouvons connaître que le gouvernement légal avec lequel nous entretenons des relations publiques. Ce sont là des principes élémentaires. Recevoir, même officieusement, des émissaires d’un insurgé est un acte peu amical à l’égard du gouvernement contre lequel il lutte, — dans l’espèce à l’égard du gouvernement chérifien. Et sans doute le gouvernement allemand peut en prendre à son aise avec le gouvernement chérifien, c’est-à-dire avec le malheureux Abd-el-Aziz ; mais est-ce une raison pour manquer à des principes universellement reconnus et généralement respectés ? Ces principes sont une sauvegarde pour tout le monde, même pour le gouvernement allemand. Nous sommes convaincu que rien