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n’est plus loin des intentions de ce dernier : il ne faudrait pourtant pas beaucoup d’incidens du même genre pour que l’opinion s’accréditât dans le monde que la France a un candidat au Maroc, et que l’Allemagne en a un autre. Nous avons toujours désapprouvé que la France se donnât l’apparence d’en avoir à elle ; mais ce que nous désapprouvons chez nous, nous ne l’approuvons pas ailleurs ; et si nous nous sommes intéressés un peu trop ouvertement et activement à Abd-el-Aziz, c’était une raison de plus pour que le gouvernement allemand s’abstint de tout ce qui pouvait sembler être une marque d’intérêt donnée à Moulaï-Hafid. On aperçoit aujourd’hui le danger réciproque de ces deux attitudes, et nous voulons espérer qu’on n’y persistera pas.

Nous aimons mieux regarder du côté de la frontière algéro-marocaine, non pas qu’il s’y passe depuis quelques jours rien de particulier, mais parce que nous n’avons qu’à approuver l’organisation nouvelle que le gouvernement s’occupe d’y établir. Le général Lyautey a rejoint son poste ; il était temps qu’il le rejoignît ; sa présence peut y être en ce moment très utile, surtout si le gouvernement lui a effectivement confié la mission dont parlent les journaux, et qui n’est autre que la mise à exécution des arrangemens de 1901 et de 1902. Pourquoi ces arrangemens sont-ils restés depuis cette époque à peu près à l’état de lettre morte ? Si on les avait appliqués, peut-être aurions-nous échappé à plus d’une difficulté et d’un danger. Mais, après les avoir faits, nous avons porté notre attention sur d’autres points ; nous avons essayé de résoudre la question marocaine d’une autre manière et en la prenant dans son ensemble, ce à quoi nous avons d’ailleurs jusqu’à ce jour médiocrement réussi. Les arrangemens de 1901 et de 1902 continuaient cependant d’exister, et nous pouvions, quand nous le voudrions, en faire une réalité. Nous ne les décrirons pas en détail : ils consistent essentiellement en ce que le gouvernement français et le gouvernement marocain doivent s’entendre pour établir des marchés nouveaux dans une zone déterminée et pour organiser une police indispensable à la sécurité et, par conséquent, à la prospérité de ces marchés. Appeler à la vie économique ces régions peu favorisées serait assurément un bienfait pour elles, de même que ce serait un bienfait pour la Chaouia de lui rendre celle qu’elle a momentanément perdue ; mais ici et là il faut procéder de façons différentes. En ce qui concerne la frontière algéro-marocaine, le gouvernement ne pouvait évidemment pas faire un meilleur choix que celui du général Lyautey pour remplir cette tâche ; mais il ne s’en