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PAYSAGES DE GRÈCE[1]


III. — UNE VISITE A IPHIGÉNIE

Au rythme somnolent du train qui me conduisait en Eubée, je me récitais les vers du chœur chanté par les femmes de Chalcis, dans la tragédie d’Euripide : « Nous sommes venues, en contournant la plage sablonneuse de la maritime Aulis... » Par la portière du wagon, je la voyais, cette plage, j’en suivais les sinuosités, je pouvais compter ses galets, et, de l’autre côté de la petite baie, à peine plus grande qu’une pièce d’eau, j’apercevais, toutes proches, en plein soleil, les maisons blanches de Chalcis. J’eus d’abord l’impression d’une certaine mesquinerie, devant ce lieu célèbre. Mais cette impression s’effaça presque aussitôt : déjà la légende d’Iphigénie m’embellissait l’Aulide !... Au fond, — bien que je ne voulusse pas me l’avouer, — je n’étais venu que pour elle...


Je descends en gare de Chalcis. Une vieille voiture de place très fatiguée m’accueille sur ses coussins, — et tout de suite nous franchissons l’Euripe, — cet Euripe, qui m’apparaissait si terrible à travers les alexandrins de Racine ! Je m’imaginais un vrai détroit, un bras de mer écumeuse, sans cesse hérissée de vagues méchantes !... Et voici que je le franchis en dix tours de roue ! L’Euripe est un simple goulet, pas plus large qu’un de nos canaux et enjambé par un pont mobile, en tôle fort proprement vernie. A l’entrée, il y a une guinguette, — le Café des Brises,

  1. Voir la Revue du 15 avril.