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où il a agi comme un levain, et servi de modèle au peuple entier. Les préceptes de la chevalerie, qui d’abord n’étaient en honneur qu’auprès d’une élite, inspirèrent la nation tout entière, et, quoique la populace ne pût atteindre le niveau moral de ces âmes nobles, cependant Yamato Damashi (l’âme du Japon) finit par signifier le Volksgeist du Royaume Insulaire. »

Ainsi l’abnégation et la discipline étaient les sentimens qui animaient les grands et les petits, les puissans et les humbles tandis que les qualités morales et un idéal d’ordre spirituel devenaient une source de contentement individuel et de prospérité publique.

L’éducation sous l’ancien régime, tout incomplète qu’elle était, tendait surtout à développer ces qualités et à former le caractère. Dans les écoles des nobles, le premier soin était, sinon de faire de chaque élève un héros, du moins d’en faire un gentilhomme. Les autres institutions suivaient cet exemple élevé, et l’ambition de chaque enfant, comme plus tard l’ambition de chaque homme, était d’être distingué et honnête ou du moins de le paraître. Ceci nous explique peut-être pourquoi les Japonais sont le peuple le plus courtois de la terre, et leur langage le plus poli. Les manières du plus humble paysan, — tant qu’il n’est pas entré en contact avec des étrangers, — sont plus accomplies que celles de bien des hauts personnages et sa manière de s’exprimer est aussi élégante que celle des membres des Académies d’Europe. On est également surpris de la distinction, de la délicatesse de ses pensées. Il évite de rapporter tout à lui, n’est jamais provocant ; il rejette avec soin tous les sujets qui pourraient blesser son interlocuteur. La première règle du décorum pour lui est de ne jamais parler de choses sombres ou tristes ; c’est ainsi que les rapports avec les classes humbles sont toujours restés agréables jusqu’à nos jours.

N’est-il pas bien étrange qu’en introduisant de nouvelles coutumes et de nouvelles méthodes, personne n’ait essayé de maintenir ces avantages inestimables : l’esprit d’autorité et de discipline, les mœurs héréditaires, et la distinction subtile d’une race ancienne ? Ces traits sont parmi les anomalies qui m’avaient frappé le plus au cours de ma visite de 1902 et dont j’ai déjà fait mention en écrivant sur le développement du pays. Quoiqu’il en soit, la question la plus importante d’aujourd’hui reste la Question de l’éducation. Pendant un séjour prolongé dans les