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laisser sous l’impression de l’échec du 8 septembre ? Rentrera-t-elle dans la mère patrie avec l’humiliation d’une défaite ? La France n’a plus rien à attendre de la prolongation de la guerre. Elle a obtenu ce qu’elle voulait, un renouveau de gloire ; elle a inscrit sur ses drapeaux les noms de l’Alma, de Malakoff, de Sébastopol. L’empereur Napoléon satisfait n’aspire plus qu’à la paix ; la Reine a l’ambition de ne la signer qu’après une victoire éclatante.


V

Premier germe de dissentiment entre les deux alliés. Un simple nuage qui grossira avec le temps, qu’on voit déjà poindre à l’horizon dans l’azur du ciel. La Reine met une insistance particulière à obtenir que l’Empereur ne se laisse tenter par aucune proposition des Russes. Décidée, s’il le faut, à profiter de l’état de son armée et des dispositions belliqueuses de l’opinion publique en Angleterre pour continuer la campagne, même seule, même sans le secours de la France, elle craint que celle-ci ne fléchisse et ne donne aux plénipotentiaires l’impression que l’Empereur accepterait la paix à tout prix.

Si telle est au fond la pensée de Napoléon, du moins qu’il ne le montre pas ! Que les puissances représentées au Congrès de Paris ne puissent soupçonner aucune divergence de vues entre les deux alliés ! La Reine prend à cet égard les précautions les plus minutieuses. Elle écrit personnellement à l’Empereur, elle lui envoie lord Clarendon pour qu’il sache bien ce qu’elle désire, elle met en jeu dans une lettre gracieuse et habile l’influence de l’Impératrice. Elle est récompensée de la peine qu’elle prend. C’est bien elle, elle seule, qui dicte les conditions de la paix et qui peut dire à son pays avec un légitime orgueil : Oui, nous aurions pu continuer la guerre, comme vous le désiriez, avec de grandes chances de succès ; mais la guerre a ses hasards et ses douleurs ; les grands résultats que nous avons obtenus nous dispensent de courir ce risque en assurant à l’Angleterre la situation la plus forte dans les conseils européens.

Grâce à l’énergie de la Reine et à la condescendance de l’Empereur, la politique anglaise triomphait. Quel était le sort de la nôtre ? Le gouvernement impérial avait recueilli de la gloire, beaucoup de gloire, mais rien de plus. Dès le lendemain