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exclues, ne les préoccupait pas moins, et si des préventions excessives s’efforcèrent de faire obstacle à cette création, très justifiable en elle-même, il faut reconnaître que le langage tenu et les opinions ouvertement professées par le plus grand nombre des défenseurs de la loi étaient de nature à justifier ces préventions. Ce fut au contraire à les désarmer qu’une fois la loi votée, Gréard mit son application principale. La nécessité de fortifier l’enseignement des femmes avait en lui un partisan convaincu. Les différentes études qu’il a publiées à ce sujet, et dont quelques-unes ont été réunies sous ce titre : L’éducation des femmes par les. femmes, sont des chefs-d’œuvre de psychologie. Dans le programme qu’il trace de cet enseignement, il s’efforce de marquer un moyen terme entre l’éducation un peu trop limitée et superficielle, qui fut longtemps la seule dont on crût la femme capable, et les surcharges d’un enseignement qui tendrait à faire d’elle non pas la compagne mais l’égale de l’homme. Il établissait une juste distinction entre les « femmes instruites » et les « femmes savantes. « Volontiers il se serait approprié cette parole de Fénelon : « Il y a pour les femmes, une pudeur sur la science presque aussi délicate que celle qu’inspire l’horreur du vice. » C’est au surplus à l’exquis traité de Fénelon sur l’Éducation des filles, dont on lui doit une édition nouvelle, qu’à chaque instant Gréard se réfère. C’est comme lui qu’il la comprend. C’est que Fénelon fait montre, dans ce traité, d’une singulière hardiesse, et qu’il étend le programme de l’enseignement des filles presque aussi loin que nos modernes novateurs. Il n’y fait pas entrer seulement en effet la grammaire, le calcul, les histoires grecque et romaine, et l’histoire de France, ce qui était alors une nouveauté. Il n’interdit ni l’éloquence, ni la poésie, ni la musique, ni la peinture, ni même le latin, dont il ne permet cependant l’étude qu’aux filles « d’un jugement ferme, d’une conduite modeste, qui ne se laissent point prendre à la vaine gloire. » Il veut aussi qu’on leur donne quelques notions de droit, pour que, devenues veuves, elles puissent défendre leurs intérêts. En même temps, il conseille de les mettre de bonne heure « dans la pratique, » c’est-à-dire de les appliquer au gouvernement du ménage, et il loue les femmes qui « s’adonnent à régler les comptes de leur maître d’hôtel, plutôt qu’à entrer dans les disputes des théologiens. » « Que pourrions-nous, ajoute Gréard, demander de plus aujourd’hui, à ne regarder que le cadre ? »