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C’est, à n’en pas douter, sous l’inspiration de Gréard, que le nom de Fénelon fut donné au premier lycée de filles ouvert à Paris, et il faut voir, dans le choix de ce nom, une indication discrète, comme il aimait à en donner. Il est en effet superflu de dire que Fénelon comprenait la religion parmi les matières qui devaient être enseignées aux filles. Mais, à s’en tenir au rapport où il traçait à grands traits le programme de cet enseignement, Gréard ne croyait pas devoir y comprendre l’instruction religieuse. L’auteur de l’excellent petit livre dont j’ai parlé donne de ce silence une raison ingénieuse : « Bien que son Mémoire n’eût qu’un caractère demi-officiel, sa correction administrative, le sentiment des convenances, lui interdisaient d’en parler à une date où la neutralité était imposée par la loi. Toutefois, sa conviction à cet égard était demeurée aussi ferme. » « Si je n’ai pas parlé de l’instruction religieuse à cette date, écrivait-il, dans une lettre particulière, c’est que la loi la met hors de cause. Je plaindrais les mères qui priveraient leurs filles de ce puissant élément d’éducation morale et de cette source d’exquises jouissances pour la conscience humaine, même alors que la raison n’est plus tout à fait d’accord avec le sentiment. Mon avis est qu’il faut laisser faire successivement le sentiment et la raison ? et puis laisser le sentiment et la raison s’entendre, comme ils pourront. J’ai le fanatisme, tous les fanatismes en horreur. C’est pour moi un manque d’esprit et de cœur. »

S’il a gardé le silence dans ses rapports, Gréard a, tout au moins, dans le volume dont j’ai parlé, laissé ouvertement apercevoir sa préférence pour ce qu’on pourrait appeler l’éducation à la Fénelon. Sans doute il ne croit pas devoir exclure de la revue des femmes éducatrices celles qui se sont inspirées uniquement des principes philosophiques, comme Mme d’Épinay, l’auteur des Conversations d’Emilie, ou Mme Roland. Mais on sent sa prédilection pour les éducatrices dont l’enseignement est imprégné de l’esprit chrétien, que ce soit une protestante comme Mme Necker, ou une catholique comme Mme de Maintenon. Son éducatrice de préférence. C’est Mme de Maintenon dans l’acte de décès de laquelle il se plaît à relever cette unique mention : « Institutrice de la Maison Royale de Saint-Louis. » Un des premiers, il a rendu justice à l’originalité de la tentative de Saint-Cyr, « la première sécularisation, a dit Saint-Marc Girardin, intelligente et hardie de l’éducation des femmes. » Il loue le