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Nous sommes résolument hostile à tout syndicat qui se placerait sur un terrain de lutte politique ou confessionnelle, ainsi qu’à tout syndicat pouvant servir, à l’occasion, d’instrument entre les mains de politiciens, et les syndicats féminins eux-mêmes ne sont pas à l’abri de ce danger. Nous sommes partisan du syndicat professionnel tout court, mais nous entendons ne pas faire abstraction de ce qui divise les consciences dans les temps de crise que nous traversons. Il y a des faits positifs qu’il ne faut pas affecter d’ignorer, sous peine de s’exposer à des réveils déconcertans. Aussi estimons-nous que l’homogénéité est indispensable dans les sentimens intimes et primordiaux qui doivent animer les divers membres d’un même syndicat. Quand des femmes françaises sont réunies pour une œuvre commune, aussi délicate à conduire que l’association professionnelle, avec les nombreux rouages que nous avons décrits, il y a un patrimoine de notions auxquelles il doit être tacitement entendu qu’on n’aura pas le droit de toucher : c’est l’idée de patrie, c’est l’idée de famille, c’est le respect du mariage.

Des syndicats féminins se sont créés dans ces dernières années où les concepts de patrie et de religion, aux yeux de leurs membres, sont d’ores et déjà passés à l’état de préjugés et de superstitions. Le mariage y semble une institution surannée. Quant à l’enfant, on y pense qu’il doit appartenir à l’Etat avant de dépendre de ses parens. Comme certains syndicats d’hommes auxquels ils tendent à s’affilier, on y préconiserait également volontiers l’action directe. De l’introduction de pareils élémens dans les associations telles que nous venons de les décrire, il ne semble pas qu’il y ait quelque chose de bon à attendre. Du contact de femmes d’origines trop diverses on peut redouter des heurts et des froissemens ; car dans le vieux fonds des mères de famille françaises, auxquelles, nous en sommes sûr, appartient encore la majorité, il est un certain nombre de principes qui resteront encore longtemps impopulaires. Ce ne sera pas une des phases les moins passionnantes, ni les moins décisives, dans la grande crise sociale qui s’annonce, que la lutte entre ces deux mentalités féminines. Mais encore faut-il s’y préparer, en créant tout de suite un vaste réseau d’associations de femmes, capable d’opposer au flot montant une résistance victorieuse.

Nous le répétons en terminant, la famille professionnelle doit