Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/722

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

doivent renoncer à l’espérance de mordre sur la Macédoine et de s’en attribuer un morceau : croit-on qu’ils s’y prêteront volontiers. Une des proclamations du major Niazi invite les bandes étrangères à marcher d’accord avec lui, faute de quoi, dit-il, il les exterminera. Il n’obtiendra jamais qu’elles marchent d’accord avec lui ; mais, s’il en débarrassait le pays, ce serait au mieux : il aurait rendu la proposition anglaise inutile, puisqu’il en aurait réalisé l’objet. Mais le major Niazi a-t-il assez de forces pour cela ? Les bandes continueront de traverser et d’agiter la Macédoine. Qui sait même si une situation aussi dangereuse pour leurs ambitions communes ne déterminera pas quelque puissance balkanique, la Bulgarie par exemple, à jeter son épée dans la balance, car elle en a une et ne demande qu’à s’en servir ? Et c’est même une des principales préoccupations qu’on éprouvait à Constantinople à la veille de l’insurrection.

On le voit, l’horizon balkanique est très trouble. C’est pourquoi la question du Maroc passe, comme nous le disions en commençant, au second plan, où elle restera si nous avons le bon sens de l’y laisser. De toutes les grandes puissances européennes, nous sommes peut-être celle qui a actuellement, le moins d’intérêts directs engagés dans les Balkans, ce qui nous permet de remplir, sans être suspects, un rôle de conciliation entre les autres. Nous avons déjà commencé à remplir ce rôle, et on nous en a su gré ; mais la situation s’est depuis profondément modifiée, et le travail de la diplomatie est tout à recommencer. Au milieu des difficultés qu’on peut prévoir, il importe de garder la pleine disposition de ses forces et, par conséquent, toute sa liberté. Qu’on ne s’y trompe pas, en effet, c’est la question d’Orient qui menace de se poser à nouveau, et nous savons, par les soucis qu’elle a causés à nos pères, quels sont ceux qu’elle peut encore nous infliger à nous-mêmes.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.