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Samzonoff, très actif et vigoureux (il avait 46 ans), avait été laissé en arrière-garde avec 15 escadrons ou sotnias de cosaques et une batterie. Le commandement supérieur lui avait donné l’ordre de se maintenir constamment entre les arrière-gardes des colonnes et l’ennemi, mais les Russes n’appliquant pas le système des rideaux, il en résulta pour cette cavalerie une fatigue extrême. Nuit et jour au contact, elle ne pouvait pas se reposer. Des unités sont restées parfois soixante-douze heures sans desseller, et quand elle demandait une certaine force d’infanterie pour pouvoir dormir à l’abri d’une surprise, il lui était répondu par des refus. C’était là une application de cette idée fausse que la cavalerie doit maintenir ses masses entre l’ennemi et l’armée pour la couvrir.

Le contact de l’adversaire doit être conservé nuit et jour au moyen de petites patrouilles, qui en se relevant sans cesse (plusieurs fois par vingt-quatre heures) peuvent se reposer lorsque leur service est fini, tandis que les masses de la cavalerie sont placées hors de portée de toute attaque, ou bien sont couvertes par des forces d’infanterie qui leur permettent le repos à l’abri des surprises. Nous aussi, nous méconnaissons gravement ce principe. Pont-à-Mousson et Lunéville devraient être occupés par de l’infanterie et non par de la cavalerie que son voisinage de la frontière expose constamment à une surprise.

Les Russes, pour augmenter le nombre des escadrons disponibles, et permettre de relever souvent ceux qui étaient maintenus au contact, furent amenés à former des compagnies d’infanterie montée. Elles manœuvraient quelquefois avec la cavalerie et lui donnaient un appui très efficace. Le groupe d’infanterie montée du 13e régiment de chasseurs de Sibérie, coupé de Port-Arthur lors du débarquement des Japonais au sud de Betsivo, put rallier le général Samzonoff et lui rendre les plus grands services. Composé d’hommes et d’officiers choisis, vite aguerri par son continuel contact avec l’adversaire, il était ordinairement déployé sur un grand espace, sans conserver de réserve. Ses trois sections, qui originairement dépendaient des trois bataillons de son régiment, combattaient avec de larges intervalles entre elles Leurs chaînes de tirailleurs approvisionnées à 300 cartouches par homme, et composées de bons tireurs instruits par l’expérience, savaient utiliser le terrain pour attaquer. Il aurait fallu que toute la cavalerie russe eût reçu semblable instruction.