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ouvriers, bien que, jusqu’à présent, ils aient agi par les voies légales et qu’ils aient désavoué les moyens révolutionnaires. En sera-t-il toujours ainsi ? Nous n’en savons rien. Dans ces derniers temps, les mineurs du Nord ont été en butte à des suggestions nouvelles et ne s’en sont pas toujours bien défendus. Nous avons rendu compte, on s’en souvient peut-être, des exploits du citoyen Broutchoux qui a organisé des syndicats nouveaux pour battre en brèche l’influence de MM. Basly et Lamendin sur les anciens. La paix qui s’est faite entre les uns et les autres est boiteuse et mal assise : les hostilités recommenceront à la première occasion. On ne saurait en douter, quand on voit la Fédération des mineurs choisir tout exprès le moment actuel pour s’affilier avec éclat à la Confédération générale du Travail. Lorsque la nouvelle s’en est répandue, l’émotion a été vive, et quoi de plus naturel ? Mais, comme il y a toujours des optimistes qui s’obstinent à voir et à présenter les choses du bon côté, on nous a expliqué que la Fédération des mineurs apporterait dans la Confédération générale un élément relativement modéré avec lequel il faudrait compter, et qui jouerait certainement un rôle pacificateur. On a même ajouté que la Confédération générale s’était toujours défendue contre cette sorte de ralliement où elle voyait un danger pour son omnipotence. Cela est-il vrai ? Dans une conversation avec un rédacteur du Temps, M. Basly a dissipé d’un mot cette espérance. « Voilà, a-t-il dit, une illusion qu’il ne faut pas avoir : quelle que soit l’importance de notre Fédération, qui compte plus de membres coli-sans que n’importe quelle autre, nous n’aurons qu’un délégué au comité confédéral. Nous serons toujours mis en minorité par les organisations qui sont d’autant plus violentes qu’elles comportent moins de membres. Comme on n’est pas sans avoir remarqué à la C. G. T. que ces organisations qui groupent de très nombreux adhérens sont toujours plus prudentes dans leur action, — parbleu ! les chefs sentent mieux leur responsabilité lorsqu’ils ont derrière eux des troupes nombreuses, — on leur préfère les fédérations qui sont composées des seuls élémens violens de la corporation. Aussi le comité confédéral ne fait-il rien pour donner à nos grandes organisations une situation prépondérante. » C’est dans ce sens, évidemment, qu’il faut entendre l’affirmation que la Confédération générale ne tenait pas essentiellement à l’affiliation de la Fédération des mineurs. Qu’arrivera-t-il donc ? La Confédération fera des efforts pour maintenir la Fédération dans un état subalterne, et la Fédération en fera de son ôté pour maintenir son indépendance. Mais qui l’emportera ? M. Basly,