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LA TURQUIE NOUVELLE

Des événemens prodigieux s’accomplissent en Orient. La crise turque est ouverte ; mais elle s’est ouverte de la façon la plus imprévue. On pressentait bien, depuis quelques mois, que des événemens graves étaient dans l’air ; l’atmosphère était lourde d’orage ; mais tandis qu’on s’inquiétait des nouveaux projets de réforme péniblement élaborés, pour la Macédoine, par la Russie et l’Angleterre, ou qu’on s’alarmait des dispositions belliqueuses de la Bulgarie, voici que des Turcs eux-mêmes vient tout à coup l’impulsion décisive qui, en quelques jours, en quelques heures, change en Orient la face des choses. Personne, à vrai dire, en Europe, et peut-être même, à de rares exceptions près, en Orient, ne connaissait l’étendue, la profondeur et surtout l’universalité du mouvement « jeune turc ; » on disait bien, depuis quelques semaines, que les Comités étaient prêts, que des incidens étaient à prévoir, mais qui aurait osé croire à un succès si prompt et si aisé ? On jugeait le régime hamidien plus solide, mieux préparé à la résistance et beaucoup, même parmi les Turcs libéraux, ajournaient leurs espérances à la mort du Sultan. Ce régime de compression, de dénonciations, faisait d’autant plus facilement illusion qu’il était environné de silence, qu’il paraissait avoir anéanti tout ce qui aurait été capable de lui faire obstacle et qu’il passait pour avoir trouvé au dehors des appuis assez solides pour être en droit de se croire assuré de la tranquillité du dedans. Toute cette force apparente s’est évanouie devant la force réelle qui a surgi d’où on ne l’attendait pas, du fond même de la vieille race turque. On la supposait passive et résignée et, tout à coup, elle a révélé