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empêche d’apprécier l’étendue et la diversité. Ce n’est pas seulement à l’éducation purement physique et matérielle de nos organes que nous entendons nous borner ici et nous nous occuperons surtout de ce qui touche à l’instruction de l’artiste et particulièrement du peintre.


I

A l’origine, la force et l’adresse jouaient un rôle capital dans la vie humaine : jointes à l’intelligence chez les mieux doués, elles faisaient d’eux des chefs dont l’autorité était acceptée. Déjà cependant, malgré le peu de loisir que laissaient à l’homme les difficultés de toute sorte avec lesquelles il était aux prises, certaines tentatives esthétiques, gauches et rudimentaires, on le comprend, commençaient à trouver place dans son existence. C’étaient les cortèges solennels, les chants grossiers, les fêtes étranges qui accompagnaient les premières manifestations de la vie religieuse ou familiale ; c’étaient aussi ces dessins tracés d’une main ferme, parfois même singulièrement habile, sur les pierres, sur les os polis, sur les parois des cavernes ; ces tatouages aux vives couleurs ; ces parures de plumes, ces colliers de grains ou de minéraux bruts, essais d’une coquetterie encore barbare. Ainsi qu’on l’a justement remarqué, tous ces documens fragmentaires légués par les temps préhistoriques, nous en retrouvons aujourd’hui les témoignages chez certaines peuplades retirées, que la dureté du climat et la pauvreté du sol ont maintenues jusqu’à notre époque dans un état de sauvagerie absolue.

Chez les races plus cultivées, la force et l’adresse corporelle devenues moins nécessaires ont beaucoup perdu de leur prix. Cependant, sous des formes diverses, elles constituent encore le fond de nombreuses professions destinées à servir à l’amusement des foules dans nos théâtres et nos fêtes foraines : lutteurs, dompteurs d’animaux, acrobates, jongleurs, coureurs, équilibristes, qui, façonnés dès l’enfance, acquièrent par un dressage méthodique une habileté et une audace qui font l’émerveillement des spectateurs et fournissent aux sujets les plus inventifs des gains considérables. L’éducation de nos organes n’est pas moins profitable aux jouissances et aux distractions variées que le sport, sous toutes ses formes, procure aux gens qui le pratiquent. C’est ainsi que l’escrime mérite une place dans l’hygiène