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fervent du classicisme italien. Bien qu’il n’ait jamais quitté son pays, il n’est pas d’artiste qui, plus que Rembrandt, se soit entouré d’œuvres italiennes, tableaux, gravures ou dessins, ni qui les ait plus admirées, plus copiées, et qui soit cependant resté aussi original et aussi franchement hollandais. Dans notre école enfin, Poussin et Claude Lorrain, tout en conservant leur physionomie bien française, trouvaient à Rome leur patrie d’adoption, et en même temps qu’ils nous révélaient l’Italie, ils s’y révélaient à eux-mêmes.

En présence d’effets aussi contradictoires, il est bien difficile, on le voit, de généraliser en des questions si délicates. Mais, quand il repasse avec une entière sincérité les diverses phases de sa carrière, l’artiste est forcé de reconnaître que, de toutes les influences qui ont pu agir sur lui, l’étude de la nature a été la véritable cause de son développement et de ses progrès. Après qu’il a acquis les premiers élémens de la technique de son art, cette étude seule peut faire son originalité ; c’est d’elle que, livré à lui-même, il tire les bénéfices les plus directs et les enseignemens les plus féconds.

Sans doute, le choix d’un maître ne saurait être indifférent ; mais les plus grands artistes ont été rarement les meilleurs maîtres. Il faut déjà posséder quelque savoir pour profiter de leurs leçons. L’histoire nous apprend aussi qu’à raison de leur supériorité même, ils sont d’habitude trop absorbés par leur propre production pour se consacrer, avec la suite et le dévouement qu’il y faudrait, à l’éducation de leurs élèves. Parfois aussi, loin d’encourager l’indépendance de ceux-ci, ils cèdent à la tentation bien naturelle, — Raphaël et Rubens en sont des exemples frappans, — de faire d’eux leurs collaborateurs. Même avec des maîtres qui s’efforcent de respecter leur liberté, ces élèves, — ainsi qu’il arriva à ceux de Léonard et de Rembrandt, — sont souvent incapables de se soustraire à un ascendant qu’ils subissent involontairement.

Au début, la direction d’un homme connaissant bien son métier, consciencieux, insistant sur les élémens essentiels et attaché à ses élèves, leur est souvent plus utile. Avant de se proposer d’écrire un livre, il faut avoir appris l’orthographe, et ce n’est pas chez les professeurs des Facultés qu’on va chercher cet enseignement. Combien ont traîné toute leur vie l’amer regret de ne s’être pas donné de bonne heure une connaissance suffisante