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furent destinés à l’Allemagne : l’un était adressé à Weis, de Spire ; l’autre, à Senestrey, de Ratisbonne. Senestrey réclama, — comme certains autres parmi les trente-six, — que la prochaine assemblée s’occupât de l’infaillibilité papale. Les motifs qu’il alléguait montrent sous quel aspect se présentait aux Allemands infaillibilistes la passionnante question qui devait transformer en théologiens certains laïques, en hérétiques certains théologiens.


Il n’y a que très peu d’esprits aujourd’hui, écrivait-il, qui dément au Pape la prérogative d’être infaillible ; ceux-là mêmes qui la contestent n’agissent point par motifs théologiques, mais avec le dessein de pouvoir affirmer et défendre plus sûrement la liberté de la science. Il semble qu’à cet effet, à une époque toute récente, s’est formée à Munich une école de théologiens qui, dans tous leurs écrits, visent surtout à déprécier le Saint-Siège, son autorité, son système de gouvernement, par des allégations historiques, à l’exposer au dédain et spécialement à contester l’infaillibilité du Pape parlant ex cathedra.


Senestrey voulait, dès 1865, que le mépris des professeurs bavarois pour la théologie « romaniste » fût châtié par une riposte œcuménique, par une riposte souveraine. D’une « science » chicanière, persifleuse et sarcastique, on en appellerait au concile ; l’autorité conciliaire, mise en branle à d’autres époques pour limiter le pouvoir papal, se dresserait, cette fois, pour le venger et l’exalter. C’est en regardant Munich que Senestrey voulait que l’Église parlât, et qu’en précisant les pouvoirs du Pape elle abrégeât d’inutiles polémiques et déroutât d’impérieuses hostilités. Munich soulevait un débat : Rome devait l’accepter, l’évoquer, le trancher.

Il ne s’agissait point d’opposer, à un péril nouveau, un dogme nouveau, mais, simplement, d’extraire du dépôt de la révélation une vérité qui s’y trouvait contenue, et d’affirmer cette vérité, explicitement, sous la forme d’une définition dogmatique. Et que le progrès du dogme s’accomplît ainsi par une sorte de réaction contre des tendances déjà réputées dangereuses ou contre des opinions bientôt réputées hérétiques, cela, non plus, n’était pas une nouveauté. Le mystérieux mot de saint Paul : Oportet hæreses esse, régit l’histoire séculaire du dogme ; les heures où l’Église s’inquiète le plus de ce qu’elle appelle les ténèbres de l’erreur sont toutes proches d’autres heures où ces ténèbres mêmes lui sont une occasion d’épanouir des clartés nouvelles ; et le frôlement de ces hérésies dont elle craint que