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comme un indice certain que le concile allait troubler la paix religieuse. La circulaire diplomatique qu’il apportait comme remède n’était rien de plus qu’un acte de police ecclésiastique et méritait l’accueil médiocre, tantôt évasif et tantôt défavorable, que lui réservaient les Cabinets de l’Europe.

Doellinger, à qui Hohenlohe transmettait tour à tour les réponses des gouvernemens, s’efforçait de les réfuter. L’infaillibilité, disait-il en substance, a toutes chances d’être proclamée ; elle installera la théocratie en face des pouvoirs civils ; et ce sera un fait accompli. Le dogme une fois défini, prêtres et fidèles y seront à. jamais attachés ; aucun gouvernement ne pourra s’insurger, et les États qui s’y essaieront ne susciteront que des sourires. Il n’y a qu’un remède : apeurer Rome tout de suite, et prêter main forte, ainsi, à ces cardinaux et à ces évêques à qui déplaît le projet de définition. Alors Hohenlohe lui-même reprenait la plume : il adressait à la Gazette d’Augsbourg un article anonyme pour critiquer la réponse louvoyante, dilatoire, qu’au nom du gouvernement de François-Joseph le comte Beust avait faite à la circulaire du 9 avril. Beust s’imagine, objectait Hohenlohe, qu’il sera temps d’aviser, lorsqu’on verra le concile se préparer à des empiètemens dans le domaine politique ; mais on ne verra pas le concile se préparer, on apprendra, tout d’un coup, et ce sera trop tard, que le concile a empiété.

Tandis que Hohenlohe s’agitait, Bismarck observait et attendait. Roeder, qui représentait en Suisse le roi Guillaume, interrogeait Bismarck sur les intentions de la Prusse : le 23 mars 1869, le futur chancelier répondait que les évêques ne subiraient aucune entrave, que le gouvernement s’abstiendrait, qu’on se tiendrait prêt d’ailleurs à défendre les droits de l’État si ces droits étaient en péril, mais que, pour l’instant, aucune mesure préventive n’était nécessaire. Ainsi pensait Bismarck, douze jours avant que la circulaire Hohenlohe n’étonnât les chancelleries. Arnim, ministre de Prusse à Rome, dans une lettre qu’il adressait à Bismarck, le 14 mai 1869, affichait la même indifférence au sujet de l’infaillibilité. Il lui semblait que Doellinger s’exagérait singulièrement la portée de ce débat. Arnim, à cette date, était tout près de n’y voir qu’une simple chicane de mots. Que le Pape ne fût infaillible qu’avec les évêques, ou qu’il le fût sans eux, en quoi cela méritait-il d’intéresser les États, et surtout de les inquiéter ? Mais Arnim ajoutait que la « commission