Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la Bavière ; le 5 août, il avouait à Bismarck n’avoir pas encore mis la main sur la personnalité qui devait à Rome faire délicatement la grosse voix. Bismarck se consolait du retard : évidemment il ne se souciait qu’à moitié de se compromettre avec le gouvernement de Munich. Ministre d’un État protestant, il préférait laisser à la catholique Bavière la responsabilité d’explications pénibles avec le chef de la catholicité.

Il savait d’ailleurs, sans doute, que la cour de Rome était résolue à ne soumettre au concile aucun des projets élaborés par la « commission politico-ecclésiastique ; » et cela suffisait pour rassurer Bismarck. Le 11 août, il se félicitait, dans une lettre à Hohenlohe que, grâce à l’entente des Cabinets allemands, le « parti des fanatiques » eût désormais moins de crédit auprès de Pie IX ; il observait qu’assurément les États, au moins ceux de l’Allemagne du Nord, trouveraient des armes dans leur législation, mais qu’il était préférable de prévenir tout conflit, et que le ministre des Cultes agissait en ce sens sur l’esprit des évêques. Ainsi Bismarck, en mars et mai 1869, considérait la proclamation éventuelle de l’infaillibilité comme une affaire purement théologique, que les princes laïques, spécialement les princes protestans, pouvaient envisager avec pleine indifférence ; les nouvelles qu’en août il recevait de Rome lui faisaient espérer l’issue pacifique des délibérations conciliaires. Tandis qu’il suffisait de grossir les alarmes de Hohenlohe, de grossir même celles d’Arnim, pour acheminer l’Allemagne, tout doucement, vers l’éclosion d’un Culturkampf, Bismarck, au contraire, parlait encore et agissait encore en homme de paix religieuse, et comme s’il n’avait eu d’autre idéal que de prolonger en Prusse la politique ecclésiastique inaugurée jadis par Frédéric-Guillaume IV.

Hohenlohe, lui, malgré la fraîcheur d’accueil qu’il rencontrait en Europe, et même en Allemagne, entretenait dans l’opinion publique, et dans son propre cerveau, une sorte d’obsession des périls politiques qu’entraînerait l’infaillibilité : il questionnait des prêtres, des légistes, pour qu’ils lui fournissent des raisons d’avoir peur. A Wurzbourg, il était déçu : la faculté de théologie lui répondait qu’alors même que le concile déclarerait le Pape infaillible et dogmatiserait sur le Syllabus, l’accord des deux pouvoirs ne serait aucunement lésé ; elle niait que la définition conciliaire pût avoir pour effet de donner une valeur dogmatique à la théorie de la souveraineté du Pape sur