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mieux à l’abri de toute suspicion. Informations prises, Joerg fit savoir à ses collègues qu’on ne publierait aucune adresse, qu’on ne mendierait point des signatures, et qu’on se contenterait d’expédier à l’archevêque de Munich, pour qu’il en fit part à ses collègues, une communication confidentielle. De fait, ce document, qu’on appelle couramment l’adresse de Berlin, ne fut connu du public que trois ans plus tard. A Berlin comme à Coblentz, l’infaillibilité n’était pas l’unique question traitée ; mais tandis que les manifestans de Coblentz semblaient s’attacher, par le reste de leurs vœux, à rejoindre l’école de Munich, les silencieux correspondans de Berlin affectaient de s’en distinguer : ils se disaient hostiles à la notion d’Église nationale, proclamaient le droit du Pape d’avertir et de défendre, et affirmaient enfin, à l’encontre de la circulaire Hohenlohe, que le concile devait être libre à l’endroit des Etats. Ils déclaraient parler comme membres de « la généralité des croyans, qui sont les dépositaires de la tradition ininterrompue. » « Jamais, insistaient-ils, on n’a contesté, même aux laïques, dans la mesure de leur zèle pour le règne terrestre de Dieu, le droit de témoigner des courans et des impulsions qui se produisent au sein de la communauté ecclésiastique. » Et, s’autorisant ainsi de la tradition même pour prendre licence d’intervenir, ces bons catholiques ajoutaient simplement :


Lorsque le chef de l’Église catholique tire du dépôt primitif de l’Église les affirmations positives de la foi, agit-il seul, ou seulement en union avec l’ensemble des évêques ? Dans les siècles anciens, les circonstances extérieures et le malheur des temps ont pu rendre brûlante cette question ; mais aujourd’hui, d’après notre conscience de membres de l’Église, la solution apparaît d’autant moins nécessaire, que le concile pourrait être destiné par la Providence divine à ouvrir, avec une autorité partout incontestée, une période nouvelle de grandes assemblées ecclésiastiques.


Bien de plus, rien de moins ; et ces laïques, ensuite, rentraient dans le silence. Windthorst seul, peut-être, si l’on en croit certains bruits, soulageait encore son mécontentement par d’âpres boutades contre les Jésuites. Auguste Reichensperger, qui pensait comme le « concile laïque » de Berlin, demeurait plus calme : si anxieux qu’il fût en constatant les idées archaïques dans lesquelles s’enlizaient, en politique, certains infaillibilistes, il gardait confiance dans la prudence finale de l’Église. « A mon regret, écrivait-il, un parti se montre, qui voit le salut dans l’ancien régime des rois très chrétiens, et qui