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qui, durant le concile, était à peine sortie d’un effacement silencieux ; une fois seulement, en mars 1870, par la plume de Félix de Loe, le comité central des congrès catholiques avait exprimé sa confiance dans l’assemblée œcuménique et sa douleur pour les négations des professeurs. D’innombrables hommes d’action qui modestement, chacun dans sa bourgade, aidaient à l’épanouissement social du christianisme, pensaient comme Félix de Loe ; ce qu’ils pensaient, ils l’eussent dit, s’ils n’avaient pas senti qu’au milieu de ces débats théologiques, qui s’agitaient trop au-dessus de leurs têtes, il n’y avait qu’à attendre ce que l’autorité dirait. Alors, quand eut parlé l’autorité, les évêques qui continuaient de douter, comme Foerster peut-être, comme Hefele surtout, sentirent une poussée de leurs ouailles, qui les agenouillait aux pieds du Pape ; et les autres, ceux qui s’étaient soumis, se virent plus étroitement unis à la foule de leurs fidèles, qui avaient devancé leur soumission.

Cependant, à travers le monde, on annonçait la révolte de l’Allemagne catholique. On percevait le fracas que faisaient les puissans de la science ; et des millions d’Amen, jaillis de l’innombrable foule des humbles, étaient sans écho pour qui ne savait pas entendre. Bismarck, tout le premier, sera de ceux qui ne sauront pas entendre : la foi des croyans, moins bruyante que les manifestes fiévreux d’une certaine science théologique, sera méconnue dans ses calculs, jusqu’à ce qu’elle les déroute. Au lendemain du jour où des professeurs d’histoire, brouillés avec l’idée du Saint-Empire, avaient achevé de construire l’Empire d’Allemagne, il ne trouvera pas étrange que des professeurs de théologie, brouillés avec le Saint-Siège, veuillent construire une Église d’Allemagne, et qu’ils se flattent de vaincre la résistance des consciences comme avaient cédé, sous la poussée d’une certaine science historique, les résistances des petits États. Il engagera le Culturkampf sans avoir connu, mesuré, estimé la force immense que devait opposer à ses visées la plèbe des âmes croyantes. Il sera déçu d’abord, et puis vaincu.


GEORGES GOYAU.