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en 1878, dut se prononcer à son tour. L’avenir de la Russie, de l’Angleterre, de la France, de toutes les grandes puissances était fonction de la détermination prise par l’Allemagne, à ce carrefour de la Destinée.

Oui, c’est l’Allemagne qui décide ; et, pour qu’on n’en ignore, la thèse « allemande » est développée, avec une force et une clairvoyance singulières, par l’adversaire parlementaire du prince de Bismarck, par « l’avocat du diable, » dont la parole alternée est nécessaire pour compléter la pensée que la harangue officielle suppose et sous-entend. M. Windthorst, répondant à la phrase légendaire sur « les os d’un grenadier poméranien,» dit :


Je ne trouve pas les intérêts de l’Allemagne si réduits que l’on nous dit dans ce conflit... Mon opinion est qu’il s’agit, dans cette question orientale, de la grande question, si pleine de conséquences pour l’avenir : lequel des deux élémens ou GERMANIQUE ou SLAVE doit dominer le monde (Cris : — « C’est très vrai ! »)... Nous devons embrasser l’intérêt allemand dans son universalité.


Le discours de M. Windthorst est « pangermaniste » au delà de tout ce que l’on pouvait supposer alors, jusques et y compris l’intervention allemande à Constantinople. Que répond le prince de Bismarck ?

On lui fait la partie belle : il se pose en modérateur. Il rappelle l’opinion allemande à la réserve, au sentiment de la mesure. Son admirable force, — à cette heure où, installé depuis sept ans dans son succès, il est en possession de tous ses moyens, — est de distinguer, en pleine lutte et polémique, répliquant à des adversaires qui abondaient dans son sens, de distinguer les nuances, de marquer les limites, d’établir les degrés et les précisions qui lui garderont sa physionomie propre et lui laisseront toute autorité sur les hommes et sur les événemens.

Le grand homme d’Etat, dans ce discours énorme et diffus, dense de matière et gonflé de pensée contenue, produit le véritable chef-d’œuvre du diplomate parlementaire ; jouant au plus près, sans se découvrir, il avance vers le but, graduellement, par un chemin d’approche savamment échelonné. Il sollicite l’avenir et lui ouvre ses voies par la façon ingénieuse dont il explique le présent.

Un exposé rapide fait connaître les conditions de l’armistice, telles qu’elles viennent d’être communiquées officiellement aux